On l’a nommé président de la Ciivise, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, avant de l’en évincer. Comme ça, sans explication. À peine un petit au revoir. Édouard Durand a beau peser et composer minutieusement chacune de ses phrases, il parlait trop, dit-on dans les rangs de l’ancienne commission, remaniée par le gouvernement en décembre 2023. Le magistrat accueille désormais les journalistes dans son bureau du tribunal pour enfants de Pontoise, dans le Val-d’Oise, dont il est le premier vice-président depuis début avril. La tournure des événements ne l’a pas rendu amer pour autant. Peu importe le poste ou les locaux, Édouard Durand reste guidé par une priorité : « Les enfants », articule-t-il tout en dentelle, avec soin et précaution. « Les enfants doivent être notre priorité à tous. » Il a ce don-là, le juge Durand : celui des réponses mesurées et puissantes. À peine nommé coprésident de la commission (avec l’associative Nathalie Mathieu), il alertait déjà le gouvernement, en octobre 2021, dans un avis intitulé « Mères en lutte », de l’urgence à venir en aide « à ces femmes harcelées par la justice ». Ces femmes qui, telles Gladys, Priscilla, Valentine ou Sarah, ont enlevé leur enfant pour qu’il échappe à un père accusé d’inceste. Trois ans plus tard, toujours sous son impulsion, l’instance a formulé 82 préconisations aux décideurs politiques, rassemblées au sein du rapport « Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit ». 756 pages, publiées en novembre 2023.
Le destin de ces mères peut paraître extraordinaire. Sont-elles en réalité nombreuses ?
J’ai eu connaissance de la situation de ces mères longtemps avant qu’on m’appelle pour piloter la Ciivise. En 2004, j’ai pris mes fonctions de juge des enfants et prêté une attention particulière à ce que j’appelle la « violence dans la maison ». Très vite, j’ai été confronté au pseudo-concept de « syndrome d’aliénation parentale » et à l’injonction paradoxale faite aux mères victimes de violences : « Dénoncez les violences pour protéger vos enfants
Puisqu’on a été capables d’entendre des enfants désormais âgés de 50 ans, c’est qu’on est capables de croire des enfants de 7 ans, 12 ans ou 3 mois. Nous pouvons, et nous devons.
Dès les premières réunions publiques de la Ciivise, des mères protectrices, parfois des pères protecteurs, des grands-parents, des psychologues nous ont aussi demandé de l’aide pour des enfants en danger imminent.