À Avesnes-sur-Helpe et Lille (Nord)
Un son pulsatile résonne dans la salle de bois clair. Le tapotement régulier d’un pied qui frappe le sol. Le frottement incessant du jean qui caresse le banc. On entend Salim B. avant de le voir, tremblotant, le dos tout droit et les mains posées sur les genoux. Le quadragénaire comparaît devant la justice pour la première fois de sa vie. Il attend son tour dans la salle 3 du tribunal d’Avesnes-sur-Helpe, commune parmi les plus pauvres du Nord, 4 500 habitants. Quand vient enfin son tour, après plusieurs heures d’audience, il se lève, essuie ses mains moites sur son pantalon et s’avance à la barre. En janvier dernier, Salim B. a eu un gros accident de la route. Plus de peur que de mal, mais sa voiture s’est retrouvée retournée sur le bas-côté. Les gendarmes sont arrivés, ont jeté un rapide coup d’œil dans l’habitacle. Suffisant pour remarquer la centaine de pots de tabac posés à l’arrière.
Depuis quinze mois, Salim B., qui fume plus d’un paquet de cigarettes par jour, se rend régulièrement au Luxembourg pour s’y fournir en tabac, moins cher de l’autre côté de la frontière. Plus de trois heures de trajet deux fois par mois. Pour compenser le temps passé sur la route et le prix de l’essence, Salim achète aussi pour revendre à son entourage. « Je ne mens pas, je gagne 300 ou 400 euros par voyage. Je m’en sers pour faire plaisir à mes enfants », dit-il, la voix tremblante elle aussi. Chez lui, les gendarmes ont retrouvé d’autres pots de tabac, des briquets par poignées et 5 215 euros en liquide. « Cet argent, ils n’ont pas fouillé pour le trouver. Je l’ai donné de moi-même, il n’était pas caché, répète-t-il. Les 5 000 euros, ils viennent de l’héritage de mon père. J’ai reçu 20 000 euros en avril 2021, comme tous mes frères. »
La justice ne reproche pas à Salim B. d’être un gros fumeur de tabac. Elle lui reproche l’importation « en contrebande » de trop nombreux pots, et leur revente. « C’est la première fois qu’il comparaît devant un tribunal, mais ce ne sont pas des petits faits. C’est un gros trafic », qualifie la procureure. « Vous allez le refaire ? », demande son avocat à Salim B. « Plus jamais ! C’est la première et la dernière fois ! » « Il est extrêmement impressionné, plaide son conseil.