«Il ne faut négliger aucune piste, aucune innovation » pour « accompagner » la phase de déconfinement qui pourrait s’enclencher à partir du 11 mai, a expliqué Emmanuel Macron lundi 13 avril devant les Français réunis sur leur canapé (lire l’épisode 48, « 11 mai : un homme et un confin »). L’innovation dont le Président parlait, c’est bien sûr cette « application numérique dédiée qui, sur la base du volontariat et de l’anonymat, permettra de savoir si, oui ou non, l’on s’est trouvé en contact avec une personne contaminée. Vous en avez sûrement entendu parler », a enchaîné Macron. C’est vrai qu’on en parle beaucoup, depuis deux semaines, de cette application qui, pourtant, n’est qu’une « piste », a réaffirmé le chef de l’État. Mais une piste sur laquelle pas mal de monde travaille déjà, quand même, à commencer par le Comité analyse, recherche et expertise (Care), dont on attend toujours l’avis sur cette application qui vient et qui a déjà un nom : StopCovid. Le 8 avril dans Le Monde, le secrétaire d’État au Numérique, Cédric O, et Olivier Véran, ministre de la Santé, ont même détaillé ses grands principes et commencé à déminer les nombreuses questions qu’elle pose. Cette « piste », qui fait désormais systématiquement partie de l’arsenal de déconfinement évoqué, commence sérieusement à ressembler à un projet.
Pourquoi une application maintenant ?
Puisque le confinement ne va pas pouvoir durer indéfiniment, les stratégies pour en sortir commencent à faire l’objet d’un débat. Déconfinement progressif ou pas, par région ou par classe d’âge… Tout est sur la table, mais toutes ces possibilités se heurtent à un même écueil : comment s’assurer que les Français qui sortiront ne vont pas se recontaminer, remettre 2 euros dans le gros flipper de l’épidémie et annuler une partie des efforts précédents ? C’est là qu’intervient l’idée d’une application de contact tracing numérique, qui propose d’utiliser les téléphones portables des Français et Françaises volontaires afin de suivre leurs mouvements et repérer leurs interactions prolongées avec des personnes testées positives au coronavirus (mais pas forcément malades). Le mot-clé ici, avant de parler de l’application en elle-même, c’est « test ». Sans tests, une application n’aurait aucun sens et ne serait qu’un outil de surveillance aveugle. « Le 11 mai, nous serons en capacité de tester toute personne présentant des symptômes », a dit Emmanuel Macron le 13 avril. Est-ce que ce sera suffisant ?
On l’a déjà expliqué dans Les Jours (lire l’épisode 39, « “Une appli du gouvernement, c’est l’État qui entre dans ma vie privée” »), la France et l’Europe regardent vers l’Asie, où plusieurs pays ont très rapidement fait le choix de proposer ou d’imposer des outils numériques : la Chine, avec une application qui attribue un droit de circuler ou pas, vérifié par les gardiens de chaque immeuble, ou des QR codes à scanner dans les lieux publics ou les taxis ; la Corée du Sud, via une géolocalisation des personnes en quarantaine et la publication très large de données permettant de savoir si quelqu’un testé positif est proche de vous (lire l’épisode 35, « “J’utilise une appli où il y a une carte des personnes infectées” ») ; Singapour, en développant un système plus complexe qui inspire beaucoup les choix privilégiés par une initiative européenne nommée Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing (PEPP-PT), qui regroupe des laboratoires de recherche qui ont fait la preuve de leur sérieux scientifique (l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique en France (Inria), l’Institut Fraunhofer allemand, l’École polytechnique fédérale de Zurich, en Suisse…), des universités, mais aussi des acteurs du mobile (Vodafone) et de la communication (Portvier, Hering Schuppener).