Vendredi soir vers 20 heures, la DGSI, le Raid, la BRI et la police espagnole débarquent à Louhossoa, un village de 800 habitants à 30 kilomètres de Bayonne, dans les Pyrénées-Atlantiques. Les policiers investissent la maison de Béatrice Molle-Haran, journaliste locale et veuve d’une grande figure de l’autonomisme basque. Elle est placée en garde à vue avec quatre autres personnes présentes à son domicile. « Cinq individus en relation avec l’organisation terroriste ETA », se félicite le ministère de l’Intérieur, tôt ce samedi matin dans un communiqué. Pour Bruno Le Roux, qui vient tout juste d’entrer en fonction, une « importante saisie d’armes, d’explosifs et de munitions » a été réalisée. Mais le récit se fissure sans délai : il s’agissait en fait de la première action de désarmement d’ETA.
Que s’est-il passé ? D’après des médias basques et des associations locales, la réunion de Louhossoa visait en effet à neutraliser des armes – « 15 % de l’arsenal » d’ETA – avant de les remettre aux autorités. Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, porte les coups les plus durs au récit ministériel. En connaissance de cause : il aurait dû se trouver dans la maison de Louhossoa, mais il n’a finalement pas pu s’y rendre. Cette nuit, la presse annonce qu’il fait partie des interpellés, alors qu’il est libre. Michel Tubiana ne se prive pas de critiquer les arrestations, « l’opération de communication » du ministère de l’Intérieur et le « grand mensonge » des autorités. L’opération de police aurait fait capoter un projet qui aurait marqué une étape décisive dans le processus de paix engagé au Pays basque depuis 2011.
Les cinq interpellés ont été conduits, samedi matin, dans les locaux de la PJ de Bayonne. Ils pourraient être déférés dès dimanche ou lundi au parquet antiterroriste, à Paris, même si leur garde à vue peut en théorie durer jusqu’à 96 heures. Au Pays basque, les gardés à vue sont « très connus » pour leur engagement pacifique, résume aux Jours une syndicaliste locale. « On ne peut pas les soupçonner d’être des activistes de l’ETA », complète le militant basque Gabi Mouesca. Il raconte que ces personnalités locales s’étaient réunies vendredi soir, « avec des journalistes, pour filmer la destruction de ces armes », à l’aide « de matériel pour couper la ferraille et faire des trous ».
Outre Béatrice Molle-Haran, ont été arrêtés ainsi Michel Berhocoirigoin, l’un des cofondateurs de la Confédération paysanne, président de la Chambre d’agriculture alternative du Pays basque, une figure du monde rural.