Depuis quelques jours, des échos inhabituels pour les États-Unis, champions de la démocratie libérale, parviennent de Portland, métropole excentrée du lointain Oregon. Le 16 juillet, Mark Pettibone, un des manifestants qui se regroupent sans interruption dans le centre-ville depuis la mort de George Floyd en mai (lire l’épisode 12, « Les États-Unis dans une colère noire »), affirmait avoir été arrêté et embarqué dans une voiture banalisée par des hommes en tenue militaire camouflage qui ne s’étaient pas identifiés comme agents fédéraux, avant d’être détenu pendant quelques heures en dehors de toute procédure judiciaire. Ce récit, appuyé par de nombreux enregistrements vidéo, a immédiatement rappelé des procédés en usage dans d’autres régimes politiques et sous d’autres cieux et déclenché une tempête de protestations politiques. Le maire de Portland, Ted Wheeler, les deux sénateurs Jeff Merkley et Ron Wyden
Cette démarche démontre combien la tension entre pouvoir présidentiel fédéral et droits des États est désormais au cœur de la campagne électorale entre Donald Trump et le démocrate Joe Biden. Et ce dans une bataille à fronts renversés : le parti républicain contemporain avait jusqu’alors fait des « states’ rights » (c’est-à-dire la souveraineté des États fédérés) un dogme défensif face aux législations progressistes imposées par l’État fédéral de Washington, quand Trump, lui, n’a pas hésité, depuis la crise du Covid-19 puis les manifestations pour George Floyd, à renverser ce fondement, sans souci de logique. Il a ainsi menacé les États fédérés, pour l’immense majorité à gouvernement démocrate, qui souhaitaient prolonger le confinement de leur imposer la réouverture de leur économie. Son argument, énoncé le 13 avril, était on ne peut plus simple : « Quand quelqu’un est président des États-Unis, son autorité est totale. »
Mais la simplicité n’est pas synonyme de constitutionnalité et Trump a vite dû battre en retraite, les États fédérés étant protégés par le dixième amendement de la Constitution, le dernier du « Bill of Rights » (Déclaration des droits fondamentaux) de 1791.