Derrière une large table en forme de U, trois juges encravatés, les cheveux poivre et sel, sont assis dans de grands fauteuils. Face à eux, un jeune homme joue gros. Originaire d’Afrique de l’Ouest, il dit avoir fui son pays en raison de ses responsabilités au sein du principal parti d’opposition. Arrêté et torturé en 2015, il aurait été laissé pour mort devant une gendarmerie. Il est arrivé en France un an plus tard et y a demandé l’asile. Même si, dans son pays, les « violences politiques sont courantes », d’après la rapporteure qui introduit l’audience, l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) n’a pas trouvé son récit « convaincant » (lire l’épisode 6, « “Il y a des gens qui craquent. Et ils ne font pas semblant de craquer ”») et a donc rejeté son dossier. « C’est en cet état que l’affaire se présente devant la cour », conclut la jeune femme, assise à gauche des juges. Nous sommes à Montreuil, en proche banlieue parisienne, à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), une sorte de cour d’appel pour ceux dont l’asile en France a été refusé, le dernier recours (ou presque). C’est à présent aux magistrats de questionner le jeune homme. De son talent de persuasion dépend en partie son avenir sur le territoire.
« Vous avez un document qui atteste de votre identité ? », entame, au centre, le président, celui dont le fauteuil a le plus haut dossier.