Compagnon d’Yves Saint Laurent, homme d’affaires et mécène, « mitterrandolâtre » et collectionneur d’œuvres d’art, soutien de la lutte antisida et coactionnaire depuis 2011 du Monde libre, la société qui contrôle le groupe de presse Le Monde, Pierre Bergé, 86 ans ce lundi, est l’incarnation ce qu’on appelait dans les années 1980 la « gauche caviar ». « Fier d’être millionnaire et de gauche », résumait Le Point en 2012 dans un portrait de lui. L’important, ce n’est pas l’argent, y expliquait l’intéressé – d’ailleurs, il « n’aime pas ça » –, mais « ce qu’on en fait ». « Être de gauche, c’est donner 2 millions d’euros par an à la recherche contre le sida », se vantait Bergé. Ou « donner 10 millions aux journalistes du Monde ». Mais il y a un secret dont l’homme d’affaires n’est pas vraiment fier – en tous cas, il n’en parle jamais, alors qu’il est peu avare de confidences sur sa vie –, ce sont ses holdings au Luxembourg. Difficile en effet de dire qu’il y a une manière « de gauche » de planquer son fric dans un paradis fiscal.
Car, oui, le millionnaire fait partie de cette liste des riches Français à la recherche d’opacité et de fiscalité attrayante au Grand-Duché que Les Jours vous font découvrir, épisode après épisode, dans cette obsession. Et ce n’est pas une courte passade : Pierre Bergé est un adepte régulier et ancien de ces sociétés-écrans. Depuis vingt ans, il détient – seul ou avec des partenaires – une dizaine de holdings, en recourant aux services de la fiduciaire Benoy Kartheiser & Cie, située rue d’Arlon à Luxembourg. Ces entités lui permettent de contrôler certaines de ses affaires françaises, comme la maison de ventes Pierre Bergé & Associés, ou d’exploiter ses jets privés, à l’instar de Jacques-Antoine Granjon, le patron de Vente-privee.com (lire l’épisode 14, « Jacques-Antoine Granjon, schizo fiscal »).
L’origine de ces montages remonte au milieu des années 1990, une période financièrement faste pour Pierre Bergé. Avec son compagnon et associé Yves Saint Laurent, il réussit alors à vendre à deux reprises leur maison de couture fondée dans les années 1960. D’abord au groupe pharmaceutique Sanofi, en 1993, puis au groupe Pinault, cinq ans plus tard. À chaque opération, Bergé et Saint Laurent touchent des sommes conséquentes, de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros. L’information n’est pas secrète. Les médias se passionnent pour ces histoires de rachats qui impliquent le symbole de la mode à la française.