Il faudrait s’y faire, il faudrait être blasé, il faudrait ne pas s’étonner d’une méthode maintes fois éprouvée quand elle se reproduit une fois de plus mais non, c’est ahurissant et révoltant. Une salariée de Paris Match, membre de la Société des journalistes (SDJ) de l’hebdomadaire, a été convoquée ce jeudi à un entretien préalable à un licenciement après vingt ans de maison, et alors qu’elle est en arrêt-maladie. Une autre journaliste de la SDJ est également en arrêt-maladie, du fait des pressions de la direction du journal, totalement inféodée à celui qui ne sera pourtant officiellement son propriétaire officiel qu’à l’issue de l’OPA menée sur le groupe Lagardère : Vincent Bolloré. Le résultat de pressions de plus en plus vives sur une société des journalistes en première ligne de la baston.
En première ligne car le rôle des sociétés des journalistes est de veiller au respect de l’indépendance journalistique ainsi qu’à celui des règles déontologiques. Autant d’aspects qui, à Paris Match, sont fortement attaqués, notamment depuis la une sur le cardinal ultraconservateur Robert Sarah en juillet 2022, l’éviction de Bruno Jeudy qui a suivi et donné lieu à une motion de défiance contre la direction de l’hebdo, Patrick Mahé et Caroline Mangez, votée à 97 %. Un acte fondateur, puisque c’est à ce moment-là que la rédaction a eu la confirmation de l’emprise de Vincent Bolloré et que les couvertures n’étaient plus décidées par la direction mais au-dessus. Depuis, au sein de l’hebdo les atteintes à la déontologie et à l’indépendance sont allées de mal en pis dans un contexte d’enquête approfondie déclenchée par la Commission européenne sur l’OPA, portant notamment sur Paris Match et l’abus de concurrence sur le marché de la presse people, Gala et Voici étant déjà détenus par Vivendi.
Au gré de nos actions, votées massivement par les membres de la rédaction adhérents de la SDJ, la tension s’est accrue, atteignant à présent un point intolérable. Notre liberté d’expression est attaquée, les tentatives de déstabilisation se multiplient.
Ce jeudi, dans un communiqué voté à 100 % des 63 votants (sur 68 inscrits), la SDJ de Paris Match, rejointe par les syndicats SNJ, SNJ-CGT, CFDT et FO, « s’indignent qu’un membre du bureau de la SDJ ait reçu une lettre de convocation pour un entretien préalable au licenciement ». Ils se disent « choqués et indignés par cette action de la direction » envers « cette journaliste, en poste depuis 20 ans au journal, qui est l’une des voix représentant la majorité de la rédaction » et « a subi de fortes pressions au cours des dernières semaines, notamment en lien avec son mandat au bureau de l’association ». Et poursuivent : « Au gré de nos actions, votées massivement par les membres de la rédaction adhérents de la SDJ, la tension s’est accrue, atteignant à présent un point intolérable. Notre liberté d’expression est attaquée, les tentatives de déstabilisation se multiplient. » « Notre inquiétude grandit chaque jour quant à l’avenir de notre rédaction et à la survie d’une instance représentative. Jusqu’où cela ira-t-il ? »