Nina avait prévenu ses camarades : On n’y va pas en mode jaja.
Je n’ai pas réussi à savoir ce que signifiait précisément l’expression, si ce n’est, en gros, qu’il ne fallait y aller en jogging. Vendredi dernier, dix élèves de la 3e B du collège Aimé-Césaire sont allés rue de Grenelle interviewer la ministre de l’Éducation nationale. La fin de l’année scolaire approche et la fin de cette série des Jours aussi (tristesse). Durant un an, avec les 3e B, nous avons raconté leurs vies d’élèves, les conseils de classe et de discipline, parlé de l’angoisse de l’orientation scolaire, du rapport entre les filles et les garçons, de la mixité sociale compliquée… Des sujets qui sont aussi ceux de leur ministre de tutelle, Najat Vallaud-Belkacem. L’idée est alors venue d’aller l’interroger pour confronter leurs préoccupations aux siennes. La ministre était partante. Et, vendredi après-midi, pas en mode jaja donc, mais en mode baskets quand même, Delphine, Louanne, Lucie, Dialikatou, Faema, Nina, Suhimbou, Enzo, Vithuran et Rayan ont pris la ligne 12 du métro, traversé Paris du nord au sud et découvert à quoi pouvait bien ressembler un ministère. Dans leurs poches, des petits bouts de papier d’écoliers avec leurs questions griffonnées dessus.
Six filles et quatre garçons, dont deux qui n’étaient plus trop sûrs de vouloir y aller deux minutes avant de partir, avec des excuses plus ou moins bien ficelées. Finalement, on embarque toute la troupe. Antoine Labaere, leur prof principal, et Tiphaine Decormon, la conseillère d’orientation, nous accompagnent. L’affaire débute mal, la ministre va avoir un peu de retard
, prévient sa conseillère presse. Les élèves sont installés dans une salle d’attente au rez-de-chaussée mais, très vite, ne tiennent pas en place. Il y a celui qui veut aller aux toilettes (et, bien sûr, tous les autres à sa suite), ceux qui veulent aller jouer dans la cour
. Un conseiller vient dire poliment qu’il faut faire moins de bruit. Sur le mur où sont représentés tous les anciens ministres de l’Éducation nationale de la République, ils remarquent qu’il n’y a aucune femme
. Puis la première du genre arrive en s’excusant du retard et les invite dans son bureau. Le décor fait les moines, tout le monde s’assoit sagement autour de la grande table et l’interview débute.
Les élèves déroulent les questions qu’ils ont préparées ensemble quelques jours plus tôt. Sérieux mais pas vraiment impressionnés. Ils relancent la ministre quand il faut.