Devant le bâtiment de droit, debout sur une chaise, Victor Mendez se dresse face à 300 étudiants. Ce lundi matin, à 8 h 30, les premières années de droit doivent passer leur partiel de droit pénal, mais l’ensemble des bâtiments de l’université Paris-X est bloqué. Victor, le porte-parole du mouvement à Nanterre, explique au mégaphone « la sélection à la fac », « la fin de la compensation », « la baisse du budget de l’université ». Il crie pour se faire entendre : devant lui se tient une assemblée peu réceptive. Derrière lui, une trentaine de personnes se tiennent devant les barricades qui bloquent l’entrée. Depuis trois semaines, la mobilisation à l’université de Nanterre prend forme : elle s’est cristallisée le 9 avril dernier avec l’irruption des CRS dans le débat – et l’interpellation de Victor – (lire l’épisode 24, « La révolte bourgeonne à Nanterre »), elle s’est installée les jours suivants (lire l’épisode 25, « À Nanterre, un assaut et la sauce prend ») et voilà qu’elle se poursuit contre, tout contre les examens. Qui, dans leur majorité, n’ont pas pu se tenir.
Ils étaient une centaine à 6 heures pour bloquer la fac, me raconte une militante du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). « Historiquement, les bâtiments de droit et d’éco-gestion sont les plus durs à bloquer. » Elle a dormi sur le campus cette nuit pour être prête dès l’aube. Au milieu des étudiants, Victor continue : « Notre objectif, c’est d’obtenir le retrait de cette loi. » « Laissez-nous passer nos partiels », crie quelqu’un au milieu de l’attroupement. Les étudiants qui ont leurs partiels dans « la barre » (les bâtiments C, D et E qui abritent les départements d’histoire, de géographie, de psychologie, d’ethnologie…) restent assez calmes face au blocage – une prof d’ethnologie a même fait son cours sur la pelouse –, mais ceux du bâtiment de droit s’énervent. Lorsqu’il descend de sa chaise, Victor est pris à partie par un groupe d’étudiantes : « Vous êtes 50, on est 500 ! » S’engage une discussion : Victor d’un côté ; Pauline, Diane et Cécile de l’autre. Elles ont 18 ans, sont étudiantes en « prépa D1 », une classe préparatoire privée en droit-éco-gestion (4 000 euros l’année) qui doit les mener à l’École normale supérieure de Rennes. Chaque semaine, elles ont cours de droit à Nanterre.
Ça donne une mauvaise image de Nanterre, liée aux gauchos, à Mai 68, l’image de gens qui ne veulent pas travailler. Un jour, ils vont se confronter à la vraie vie et il faudra travailler !
Ils ne semblent pas se comprendre ou s’entendre. S’opposent radicalement sur la réforme « ORE ». Quand Victor s’en va, elles m’expliquent leur point de vue.