Il fut un temps où Emmanuel Macron en était convaincu : « 50 % de l’action, c’est de la faire comprendre », comme nous le confiait l’un de ses conseillers, à l’automne 2019. Une petite année après le début du mouvement des gilets jaunes, le président de la République avait alors lancé l’acte II de son premier quinquennat, avec une attention renouvelée portée aux corps intermédiaires et la volonté affichée de rendre compte de son action aux Français. Un nouveau conseiller spécial avait même été recruté quelques mois plus tôt : Philippe Grangeon, ancien dircom de la CFDT, issus des cabinets socialistes, conseiller officieux du candidat puis du président Macron, avait officiellement rejoint l’Élysée pour mettre de l’huile dans les rouages. En prévision, aussi, de la réforme des retraites programmée alors pour la fin de l’année.
Celle-ci ne s’est pas tout à fait passée comme prévu. Depuis Matignon, Édouard Philippe et ses conseillers ont torpillé la réforme par points défendue par la centrale cédétiste et tenté d’imposer un âge pivot à 64 ans (lire l’épisode 7 de la saison 2, « L’Élysée et Matignon comptent leurs poings de retraite »). Grand perdant des arbitrages finaux rendus par l’Élysée, Philippe Grangeon décida de partir
Emmanuel Macron n’a jamais gouverné aussi seul. Le cœur de son action a toujours été élaboré avec Alexis Kohler. Mais il n’y a plus grand monde pour rééquilibrer ce duo, apporter d’autres points de vue, voire une contradiction.
Les réponses apportées lors de son interview télévisée à 13 heures, mercredi 22 mars, à propos de la nouvelle mouture de la réforme des retraites, sont apparues déconnectées au plus grand nombre (lire l’épisode 8 de Métro, boulot, caveau). Cette prise de parole cathodique a conduit à des cortèges encore plus fournis lors de la journée de mobilisation du jeudi 23 mars. Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, y a vu des « marques de mépris », quand celui de la CFDT, Laurent Berger, a dénoncé « le déni et le mensonge » du chef de l’État prétendant qu’aucune proposition de réforme alternative n’avait été proposée. Les manifestants, eux, ont largement pointé vers le plus haut sommet de l’exécutif, droit dans ses bottes, imposant la réforme de force sans réelle solution de sortie de crise.