Il aurait certainement adoré voter pour lui-même, mais n’est pas candidat à l’élection présidentielle. Hadama Traoré, fondateur et tête d’affiche du mouvement citoyen « La révolution est en marche », rêve de la mairie d’Aulnay-sous-Bois en 2020. Il pourrait parler des heures de son collectif, qui mobilise à plein temps (lire l’épisode 4 d’Outrage et rébellion) sa considérable énergie. Part dans tous les sens, digresse, remue. Le faire asseoir quelques minutes, sur un banc de la place du marché de la Rose des vents, était un pari difficile à tenir. À 32 ans, ce responsable d’antenne jeunesse n’a voté que deux fois. La première après son embauche par la ville, en 2008. Impossible de se souvenir pour qui, ni pour quelles élections. Les municipales avaient déjà eu lieu. Peut-être « des législatives ou des départementales ». « Le bruit courait que quand t’es fonctionnaire, il faut voter parce qu’ils [la mairie, ndlr] voient qui vote et qui ne vote pas. » Il a mis un bulletin dans l’urne, « ça devait être pour les socialistes ». La deuxième fois, c’était aux élections municipales de 2014. Au premier tour, il a choisi Moktar Farhat, également à la tête d’une liste citoyenne (5,4 %). Au second, il s’est abstenu. Bruno Beschizza a ravi la mairie au sortant socialiste Gérard Ségura.
Cette fois-ci, Hadama Traoré se sent obligé de voter – sa responsabilité de futur candidat, en quelque sorte – malgré une campagne « horrible ». Mais pour qui ? Autour de lui, ceux qui ne s’abstiendront pas voteront probablement pour Jean-Luc Mélenchon. Il prédit un raz-de-marée dans les quartiers nord d’Aulnay-sous-Bois. Ces dernières semaines, Hadama Traoré a organisé plusieurs réunions publiques avec Ambre Froment, candidate de La France insoumise aux législatives. Il la soutiendra. « Elle est issue du quartier [des 3 000, ndlr], son papa aussi. Elle a 23 ans, elle a fait de vraies études. C’est vraiment un exemple de réussite. » Mais pour la présidentielle, c’est différent. « Je déteste Jean-Luc Mélenchon », lâche-t-il sans faire semblant de mettre les formes. La faute à « l’impulsivité » du candidat, son « agressivité » et une prise de position très spécifique : son appel à faire retirer le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) de la liste des organisations terroristes. « Mais il faut dire ce qui est, c’est un des seuls qui portent à la réflexion. » Si jamais il se retrouve au second tour, Hadama Traoré votera pour lui.
Macron, il me fait penser au film “La Vague”. Vous l’avez vu ? C’est un prof, avec un signe, il a réussi à endoctriner toute une classe. Il a rien, il a pas de front, mais le mec, il arrive à endoctriner tout le monde.
Au premier tour, il n’est pas prêt à le faire.