En déposant une motion de rejet préalable contre la loi « immigration » puis en la votant massivement lundi dernier, la gauche s’était-elle rendue compte du cadeau qu’elle faisait à la droite ? Depuis une semaine, Les Républicains, et surtout leur président Éric Ciotti, profitent à plein de cette défaite de la majorité (lire l’épisode 6, « Loi immigration : Darmanin reconduit à la frontière ») pour faire avancer leurs arguments. Jeudi, ils ont envoyé un courrier au président de la République pour le pousser à mener une révision constitutionnelle sur la question migratoire. Toute la semaine, ils s’en sont pris au ministre de l’Intérieur et artisan du projet de loi Gérald Darmanin, accusé par Éric Ciotti d’avoir fait preuve d’un « mépris insupportable » et de « perdre ses nerfs ». Quand bien même, ils sont reçus avec les égards à Matignon par Élisabeth Borne. Une première fois mercredi, une deuxième jeudi et une troisième rencontre était prévue ce dimanche soir. Les LR auraient tort de se gêner. À la demande d’Emmanuel Macron, la Première ministre s’est donnée pour mission de parvenir à un accord avec eux, ou du moins de déblayer le maximum de sujets conflictuels avant la réunion, lundi 18 décembre à 17 heures, des sept députés et sept sénateurs composant la commission mixte paritaire (CMP). Car, vu les rapports de force à l’intérieur de cette instance parlementaire, c’est la seule solution pour qu’un compromis puisse être trouvé. Pourquoi donc et sur quelle base un accord peut-il être conclu ? On vous explique tout.
Réunie normalement quand un texte de loi n’est pas adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat, la CMP se retrouve face à un scénario inédit. Elle n’aura qu’un seul texte sur lequel fonder son examen : celui du Sénat. La motion de rejet préalable a ainsi annulé tout le travail effectué par la commission des lois de l’Assemblée. On revient à la version très à droite adoptée par la chambre haute. D’où l’argument avancé par Éric Ciotti jeudi en sortant de Matignon : « Avec Olivier Marleix et Bruno Retailleau, nous avons ce matin confirmé à la Première ministre notre volonté de voir le texte du Sénat adopté en commission mixte paritaire », a ainsi écrit sur X (ex-Twitter) le président des LR. La veille, Bruno Retailleau poussait en ce sens : « Il faut le texte du Sénat. C’est le seul examiné par le Parlement en première lecture. C’est le seul consensuel », expliquait, sans rire, le président des sénateurs LR.