La décision est tombée depuis le plus haut niveau du mouvement, à Rome : les Focolari, cette association catholique dont un ex-membre laïc consacré, Jean-Michel M., est accusé d’agressions sexuelles par une trentaine de victimes déclarées, viennent d’annoncer la démission de leurs responsables pour la France et l’Europe de l’Ouest. Une fronde couvait depuis que, le 25 septembre, la direction du mouvement dans l’Hexagone avait accepté de révéler en interne un bilan provisoire des victimes, après des décennies de déni. Dans un communiqué publié ce 22 octobre, la présidente mondiale des Focolari, Maria Voce, relie les limogeages aux « nouvelles divulguées par certains organes d’information français, le 16 octobre dernier ». C’est à cette date que Les Jours ont entrepris de raconter l’histoire de Christophe Renaudin, victime de Jean-Michel M. quand il était enfant (lire l’épisode 1, « Pédocriminalité dans un mouvement catholique : nos révélations »). Soucieux de s’exprimer à visage découvert, ce quinquagénaire avait témoigné le soir même dans l’émission Quotidien, diffusée sur TMC.
Si le communiqué insiste sur la volonté des Focolari de lancer une enquête qui n’occulte rien « d’éventuels omissions, couvertures ou silences de la part de responsables du mouvement », les informations recueillies par Les Jours montrent que les Focolari ont connaissance d’accusations contre Jean-Michel M. depuis la fin des années 1970. La décision de l’exclure n’a pourtant été prise qu’en 2016, soit plus de 35 ans plus tard, sous la pression de Christophe Renaudin, aidé d’un membre du mouvement. En 2015, celui-ci pensait avoir banni de sa vie les Focolari. En 1994, son dépôt de plainte s’était soldé par un non-lieu au pénal pour cause de prescription et une condamnation au civil de son agresseur. Le dernier acte de son combat judiciaire et l’amorce du suivant, intérieur et solitaire : un travail de reconstruction. Alors quand, cette année-là, Maxime Fouanon, un retraité et membre des Focolari depuis les années 1970, l’appelle au téléphone, c’est sa méfiance qui prend d’abord le dessus. « Je ne voulais plus entendre parler d’eux », relate le clown et musicien.
Ce que le septuagénaire tient à lui dire s’avère pourtant décisif. Malgré les violences sexuelles sur des enfants reconnues devant la brigade de protection des mineurs en 1994, malgré son jugement, Jean-Michel M., en 2015, compte toujours parmi les membres des Focolari.