Il est très tard ce lundi 9 septembre dans la salle Lamartine de l’Assemblée nationale. Depuis près de quatre heures déjà, Nicole Belloubet joue un numéro d’équilibriste devant les députés de la commission spéciale chargés d’étudier le projet de loi bioéthique, qui sera débattu à partir de ce mardi dans l’hémicycle. Veste bleue, écharpe orange autour du cou, la garde des Sceaux tente d’expliquer et de défendre les modifications que le gouvernement souhaite apporter à la partie de l’article 4 du texte de loi relative à la filiation des enfants nés d’une PMA au sein d’un couple de femmes. Il est près d’une heure du matin lorsque la députée communiste Elsa Faucillon, troublée par les éléments de langage contradictoires de la ministre, parlant tantôt d’un mode de filiation « prenant appui sur ce qui existe aujourd’hui pour les couples hétérosexuels », tantôt « d’un mode de filiation très novateur », lui demande d’être plus claire : y aura-t-il ou non une différence dans la façon dont un couple hétérosexuel et un couple homosexuel créeront un lien de filiation avec leur enfant né de PMA ? Nicole Belloubet se fait alors plus précise et tient ces propos, éclairants : « Un couple de femmes qui va donner naissance à un enfant, ce n’est pas exactement la même chose qu’un couple hétérosexuel. Et nous nous appuyons sur cette réalité-là pour proposer un nouveau mode d’établissement de la filiation qui n’existe pas jusqu’à présent et qui, me semble-t-il, est très riche. (…) Je ne vois pas pourquoi il faudrait à tout prix que, pour les couples de femmes, on revendiquât une filiation de type classique. »
Le matin de ce même 9 septembre, invitée de la matinale de France Inter, Nicole Belloubet avait pourtant semblé amorcer un revirement sur le sujet le plus brûlant du projet de loi : celui de la filiation (lire l’épisode 3, « PMA : scène de famille à l’Assemblée »). Questionnée par Léa Salamé sur la « déclaration anticipée de volonté » (DAV), que seules les couples de femmes devaient remplir pour faire établir leur filiation avec leur enfant, une mesure jugée discriminatoire par les associations LGBT, la garde des Sceaux répondait qu’elle avait entendu les réserves exprimées durant les auditions et « travaillait avec la rapporteure [Coralie Dubost] sur des propositions nouvelles » qui seraient présentées le soir-même devant la commission. La DAV a vécu, pouvait-on alors penser.