Tous coupables. Les trois magistrats du Parquet national antiterroriste (Pnat) n’ont requis aucun acquittement ce vendredi 10 juin. Les peines demandées contre Salah Abdeslam et Mohamed Abrini, son ami de toujours, étaient très attendues. Camille Hennetier, avocate générale, a requis la réclusion criminelle à perpétuité – incompressible pour le premier, assortie d’une peine de sûreté de vingt-deux ans pour le second. Parmi les quatorze accusés présents à l’audience, certains, pendant les réquisitions comme durant les dix mois d’audience, ne se sont pas fait remarquer. Ils ont souvent gardé la tête baissée, ont tenté de répondre point par point à tout ce dont le Pnat les accuse. Ils ne sont pas poursuivis pour tentative ou complicité de meurtres mais la plupart pour participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. S’ils étaient proches des auteurs des faits commis le 13 novembre 2015, incontestablement, ils savaient, n’est-ce pas ? Tous veulent prouver que ce n’était pas le cas. Car ils risquent gros.
Les premiers de ces accusés, c’est un trio à l’esprit largement embué par le cannabis à l’époque, celui qui aide Salah Abdeslam à échapper alors à la police (lire l’épisode 25, « Salah Abdeslam s’attribue le second rôle »). Quand le «premier survivant du 13 Novembre»– comme l’a appelé, grinçant, Me Ludovic Baron, avocat de deux parties civiles – décide de ne pas se faire exploser (ou se rend compte que son gilet ne fonctionne pas, on ne saura jamais), il appelle avec une carte prépayée un homme en Belgique, un seul : Mohamed Amri. «Encore aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi il m’appelait moi, a dit à l’audience l’employé hivernal du Samu social. Peut-être qu’il se souvenait de mon numéro parce que je crois qu’il est facile à retenir. J’aurais aimé qu’il ne l’ait pas en tête.» Il est 22 h 31. «C’est là que mon cauchemar commence, mais je ne le sais pas encore. Il me dit qu’il a eu un sale crash [un accident de voiture, ndlr], qu’il est dans la merde en France. Est-ce que je peux aller le chercher? Il insiste.»
On était tétanisés. J’aurais dû laisser là [Salah Abdeslam], mais je n’ai pas eu le courage. J’avais peur de tout. Dans ma tête, il faut reprendre la route vers Bruxelles et m’éloigner de lui.
Mohamed Amri n’est censé finir son travail qu’à 2 heures du matin. Impossible donc de se déplacer. À Salah Abdeslam, il donne le numéro d’Hamza Attou, un autre copain du quartier de Molenbeek. Étrange attention quand on sait que le jeune homme, 22 ans à l’époque, n’a ni permis ni voiture. Six ans plus tard, celui-ci, l’un des trois accusés à comparaître libre, se souvient à peine de cette soirée :