Sur le papier, la matinée de ce mardi s’annonçait très longue, avec six témoins au programme : trois gendarmes, deux agents SNCF et un technicien de chez Orange, tous cités par la défense. Mais celle-ci n’est pas au complet : l’avocat Jérémie Assous, retenu à une autre audience, manque à l’appel. Claire Abello n’est pas là non plus. Cinq des six témoins, venus reraconter leurs premières constatations sur les voies ferrées sabotées de Dhuisy, en Seine-et-Marne, au matin du 8 novembre 2008, sont expédiés en une heure à peine. Sans apporter d’éléments déterminants par rapport à ce qui figure déjà dans le dossier.
Le sixième n’est pas là, et un vent de mystère plane sur son absence. En avril 2008, sept mois avant les arrestations, Gilles Cabus travaillait chez France Télécom (rebaptisé Orange depuis). À la demande des gérants de l’épicerie Le Magasin général, dont le terminal de carte bleue a des ratés, le technicien intervient à Tarnac pour tenter d’identifier le problème sur la ligne. Pour ce faire, il se rend avec son client au central téléphonique du coin, une sorte de cabane pleine de câbles. Gilles Cabus découvre une bretelle bizarre et débranche ces fils en trop, sans comprendre sur le moment qu’il s’agit d’une écoute administrative. À l’audience, Julien Coupat « regrette l’absence » du technicien, en expliquant qu’il a subi « des pressions professionnelles extrêmement lourdes » à la suite de cet épisode. Sous prétexte qu’il est « entré dans le local en présence du client » alors que c’est interdit, il a été sanctionné. Mathieu Burnel abonde dans son sens, voyant en Gilles Cabus « l’une des victimes très indirectes de cette affaire ». Le prévenu se dit « vraiment désolé qu’à cause de nous il ait eu tous ces ennuis ». Mais à 13 h 30 (alors que Jérémie Assous est revenu), Gilles Cabus arrive d’Ussel, en Corrèze, en parka et sac à dos. Il pensait avoir été convoqué l’après-midi. L’air fatigué, il raconte à nouveau son intervention, dément toute pression et parle d’un « simple avertissement ». L’effet retombe. Dans la foulée, deux autres agents de la SNCF et un policier de la brigade fluviale livrent des dépositions qui ne resteront pas dans les annales de ce procès.
David Dufresne, journaliste et auteur d’un livre dont des extraits sont versés au dossier, fait en revanche une entrée remarquée. La défense attend beaucoup de son témoignage, la présidente clairement moins – même si elle a lu l’ouvrage, comme à peu près tout le monde dans la salle bondée.