Chaque jour de grève vers 6 h 30, Valéry Vuong enfile le gilet rouge sans manches qui pend au portemanteau de son bureau et file sur les quais de la gare Saint-Lazare, à Paris. Un comptoir sur roulettes attend à l’entrée de la voie 19, face aux flux des passagers recrachés par les TER et les Transilien. Derrière ce guichet mobile, armés d’une liste des trains qui circulent, les cadres non-grévistes de la gare sont envoyés au front pour répondre aux usagers. « Est-ce qu’il y aura un retour pour Pontoise vers 17 heures ? » « Vous avez les horaires de la ligne J pour Poissy ? » Valéry Vuong compulse sa liasse, les escorte jusqu’au panneau d’affichage, tamponne des bulletins de retard – des mots d’excuse – pour leurs patrons. « Ils sont super polis, disent bonjour, au revoir, souffle le quadra, satisfait. Les gens sont au courant, ça se passe bien. » Quelques jours avant le début de la mobilisation des cheminots contre la réforme ferroviaire, il avait reçu un SMS de sa direction. « Appel à volontaires d’information. On compte sur vous ! Merci de votre mobilisation. » Difficile de dire non.
Hors période de gros temps social sous les verrières de Saint-Lazare, le quotidien de Valéry Vuong se déroule deux étages au dessus des rails, dans un petit bureau avec cheminée qui donne sur la rue de Rome, dans le VIIIe arrondissement de Paris. Vingt-sept voies vers l’ouest de la capitale, jusqu’à la Normandie, 1 600 trains par jour au départ, 650 000 voyageurs quotidiens… Saint-Lazare, la deuxième gare d’Europe, est une énorme machine. Le bâtiment a subi plus de dix ans de travaux depuis le début des années 2000. Ce jour de fin mars, le bureau de Valéry Vuong tremble encore au rythme des marteaux-piqueurs. Une pièce voisine va être transformée en club de sport, le hall principal de la gare et les arcades ayant été transfigurés en vaste galerie commerciale.
Les voies, elles aussi, sont en perpétuelle évolution : des rails sont rénovés, des aiguillages remplacés… Originaire de la région lyonnaise, Valéry Vuong coordonne les grands projets et les travaux au sein d’une équipe – cinq personnes en général. Son boulot consiste à « s’assurer que les travaux de développement perturbent le moins possible le trafic et les voyageurs ». Pour cela, il doit « anticiper et faire travailler les gens ensemble ».