Henri Proglio n’est pas du genre à cacher ses sentiments. Ce 14 février 2012, le PDG d’EDF visite l’usine de construction de panneaux photovoltaïques de Photowatt, à Bourgoin-Jallieu, en Isère, en compagnie du président Nicolas Sarkozy, qui s’apprête à annoncer sa nouvelle candidature à la présidentielle. Et l’industriel a beau être mitraillé par les photographes, il fait la tête, les bras obstinément croisés. La raison ? Son « ami » Nicolas lui a tordu le bras pour qu’EDF sauve l’entreprise iséroise, alors en grande difficulté financière. Henri Proglio pense que c’est mission impossible. La situation actuelle de l’entreprise prouve qu’il avait raison.
Depuis 2012, l’histoire de Photowatt est celle d’un mariage de raison avec l’électricien public qui se transforme en désagrégation industrielle à bas bruit. Pas de manifestations, pas d’explosion sociale mais un « pionnier historique de l’industrie solaire depuis quarante ans » (c’est ainsi que l’entreprise se présente sur son site) qui diminue petit à petit de volume, fait partir son personnel et ferme des ateliers. Paradoxal alors que le gouvernement veut promouvoir cette énergie propre et qu’Emmanuel Macron annonce des projets de « gigafactories » solaires sur tout le territoire (lire l’épisode 1, « Un coup de solaire, un coup d’amour, un coup d’je t’aime »). Mais pas si surprenant quand on voit comment l’entreprise a eu du mal à grandir dès sa création, faute d’actionnaire français prêt à la suivre sur le long terme (lire l’épisode 6, « Photowatt, le cirque du solaire »). Pour comprendre la déconfiture actuelle, il faut reprendre notre récit de la PME iséroise. On avait laissé l’entreprise à la fin des années 1990 enfin dotée d’un actionnaire stable : le groupe canadien ATS.
La décennie qui suit est une période faste. Avec des usines en France et au Canada, Photowatt profite d’un climat favorable au développement du solaire. En Europe, l’Allemagne et l’Espagne multiplient les projets. L’entreprise se positionne et, dans la première moitié des années 2000, réalise presque tout son chiffre d’affaires hors de l’Hexagone. À partir de 2005, la France rejoint le mouvement. Le marché national est dopé par la mise en place d’un tarif de rachat de l’électricité très favorable aux particuliers. Cela provoque un boom de la demande.