L’éleveur coince le porcelet entre ses jambes, incise son scrotum, extrait ses testicules et coupe son cordon spermatique. Voilà comment plus de 85 % des cochons consommés en France sont castrés quelques jours après leur naissance, afin qu’ils ne dégagent jamais d’hormones sexuelles dont l’odeur rendrait la viande peu ragoûtante. L’opération est menée à vif, en quelques secondes. La bête pousse des cris stridents qui dépassent les 110 décibels, l’équivalent du bruit produit par un marteau-piqueur à cinq mètres de vous. C’est contre cette pratique douloureuse que Welfarm, petite association française de protection animale, a récemment lancé une campagne de financement participatif pour se payer quelques affiches dans plusieurs villes de l’Ouest. On y lisait : « Couic 2018 : coupons court à la castration des porcelets. » Elle devait s’étaler du 24 août au 20 septembre.
Finalement, les affiches ont été censurées dans la plupart des villes au bout de quelques jours, notamment au Mans (Sarthe), à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) ou à Lorient (Morbihan), là où le porc, ou plutôt l’éleveur de porcs, est roi. Pourquoi cette interdiction ? « Pour des raisons d’ordre public », ont fait valoir les préfectures concernées. Contactée, celle de la Sarthe n’a pas voulu nous en dire plus. Ghislain Zuccolo, directeur général de Welfarm, dit, lui, avoir eu la confirmation que les administrations, mais aussi les afficheurs et les sociétés de transport concernés ont reçu des pressions venant du monde agricole, notamment des menaces de blocage de dépôts de bus. Des pressions sur les préfets ? Les éleveurs ne s’en cachent pas. Ainsi, Emmanuel Duhamel, représentant des éleveurs de porcs de la Sarthe à la FNSEA, nous a expliqué avoir appelé directement la préfète du département, Corinne Orzechowski : « J’ai passé un petit coup de fil. Je lui ai dit que la législation allait probablement de toute façon changer fin 2017, que c’était malvenu de parler du porc comme ça, qu’on faisait du mal à la filière pour rien. Deux heures plus tard, on a su que les responsables des transports au Mans avaient l’ordre de faire retirer les affiches. » En fait de trouble à l’ordre public, il y avait un trouble à l’ordre économique dans ces régions qui dépendent tant du cochon et de la viande en général.
À la même époque, du 13 au 16 septembre, était organisé au parc des Expositions de Rennes le Space (à prononcer « Spasse », à la française), le Salon international des productions animales.