Total ne paye aucun impôt sur les bénéfices en France, est-ce normal ? « Je ne sais pas, mais c’est la loi. Ou plutôt les conventions fiscales que la France a signées avec plus d’une centaine de pays, qui prévoient, c’est un principe intangible, qu’un revenu ne peut pas être taxé deux fois dans deux pays différents. » Est-ce Patrick Pouyanné qui parle ? Non, on cite ici François Lenglet, journaliste économique à TF1, qui s’exprimait sur cette chaîne le 14 octobre. Pas besoin du PDG de la compagnie pétrolière pour se justifier, il a des porte-parole un peu partout, même au sommet de l’État. En marge de la COP27, Emmanuel Macron vient ainsi de déclarer que « Total ne fait pas un centime de surprofit en France » mais « à l’international », ce qui rendrait ainsi « absurde » tout projet de le « massacrer fiscalement ».
Soyons déraisonnables alors et, comme dans les précédents épisodes d’Écran Total, allons examiner dans le passé cette « loi » immuable qui voudrait que Total ne puisse pas payer d’impôts en France. Car il n’y a rien d’évident à ce que le bénéfice d’une société intégrée
Ce qu’il y a de spécifique avec Total cependant, c’est que la société est ancienne et qu’elle a connu des règles fiscales différentes de celles aujourd’hui en vigueur. En effet, jusqu’en 1950, comme toute l’industrie pétrolière, elle payait ses impôts dans le pays où était localisé son siège social, c’est-à-dire en France. Et si cela a changé, c’est à la suite d’une série d’arbitrages effectués par les autorités fiscales des États occidentaux, États-Unis en tête, qui étaient très sensibles aux intérêts des compagnies pétrolières. Cela, les opinions occidentales l’ont découvert il y a cinquante ans grâce à des commissions d’enquête parlementaire (lire l’épisode 2, « 1974, la pénurie d’impôts frappe Total »). Depuis, les compagnies ont cherché à nous le faire oublier, en se targuant de servir « le progrès » (lire l’épisode 3, « Total, blanc com neige depuis 1975 »).