C’est au deuxième étage du Fashion Center d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, autoproclamé « plus grand centre de vente en gros d’Europe », qu’Uber a ouvert à l’automne un local pour accueillir ses chauffeurs. Perdue au fond d’une allée où des grossistes chinois poussent des diables encombrés de cartons, quelque part entre « Giulia showroom lingerie » et « Chic et jeune prêt-à-porter », la discrète entrée grise détonne. Le Fashion Center a deux atouts aux yeux d’Uber : son emplacement – aux portes de la périphérie nord-est, son terrain de chasse favori pour le recrutement de chauffeurs (lire l’épisode 1, « En banlieue, Uber monte dans les tours ») – et son parking. Jusqu’à cet été, les chauffeurs étaient reçus au siège du groupe, dans le quartier du Pont-de-Flandres, dans le XIXe arrondissement de Paris. Mais le ballet de leurs voitures noires a fini par importuner le gestionnaire de cette zone de bureaux.
Une demi-heure avant l’ouverture, cinq chauffeurs piétinent déjà devant la porte close. « À 10 heures, la queue peut aller jusque là-bas », pointe l’un d’eux, en désignant l’autre bout de la passerelle, à une trentaine de mètres. Une demi-heure plus tard, ils sont dix fois plus nombreux à patienter dans l’espace d’accueil. Street-art aux murs, poufs et canapés, café et croissants à volonté font souffler sur la salle un petit vent de Palo Alto. Uber emploie dans ce centre environ quarante salariés et intérimaires. La plupart ne doivent pas dépasser la trentaine. Baskets aux pieds et sweat à capuche noir, ils ne se déplacent jamais d’un guichet à l’autre sans leur MacBook sous le bras.
Enfoncé dans un canapé, ses longues jambes dépliées devant lui, Moussa, 27 ans, attend que son nom s’affiche sur l’écran pour être reçu par un conseiller. Originaire de Dunkerque, il vient de débarquer en Seine-Saint-Denis, à Stains, et de quitter dans la foulée son poste d’agent de sécurité. Moussa avait passé toutes les formations possibles – sécurité incendie, sûreté aéroportuaire… – mais rêve d’un boulot plus conciliable avec sa vie de famille. « J’ai deux garçons, de 3 et 10 ans, je veux pouvoir organiser mon temps », explique-t-il. Comme souvent, le bouche-à-oreille a fonctionné à plein dans sa bande de copains. « J’ai des amis qui travaillent pour Uber et qui gèrent bien leur planning. »
Moussa précise qu’il est « ambassadeur BlaBlaCar », c’est-à-dire l’un des membres les plus chevronnés du site de covoiturage du même nom. Il sait y faire avec les passagers.