Pensez : entre 1900 et la Première Guerre mondiale, à en croire Le Petit journal, des bandes de « 30 000 » jeunes âgés de 15 à 20 ans sèment la terreur dans les rues de la capitale. C’est dans le Paris populaire, sur les cendres encore tièdes de la Commune, que se constitue cette armée du crime. Ils sont voleurs, cambrioleurs, souteneurs ; on les appelle les « Apaches », les médias les décrivent, tel Le Petit journal, comme « la plaie de Paris », et leur histoire, dont se repaît la presse d’alors, a traversé le XXe siècle jusqu’à en devenir mythique.
Le Paname populaire du début du siècle dernier s’étend globalement entre la porte de Clichy et celle de Montreuil. À sa limite, il y a « la zone », que l’on appelait aussi la « ceinture noire ». Déserté par l’armée autour des années 1880, le lieu voit l’installation des ouvriers, biffins (chiffonnier), bannis et tricards de la capitale dans ce qui deviendra un immense bidonville. Sur ce terreau pousse une jeunesse rebelle et éprise de liberté, criant à qui voulait l’entendre qu’elle préfère la mort par guillotine au destin d’ouvrier auquel elle semble promise. Ces fils de prolo, souvent en échec scolaire, ont entre 15 et 20 ans et sont, pour la plupart, passés par les maisons de correction, les bagnes pour enfants. Dans ces interstices de la République, ces gamins ont appris à se connaître, fait l’apprentissage de la bande et nourri leur détestation du travail, de la police et de la bourgeoisie.
Le journaliste Henry Fouquier aurait été le premier à utiliser le terme « Apache » dans un article à la une du quotidien Le Matin du 12 décembre 1900 : « À Paris, une tribu d’Apaches dont les hauteurs de Ménilmontant sont les Montagnes rocheuses […] vous tue leur homme comme les plus authentiques sauvages ».