Le temps est à l’orage, les abeilles sont nerveuses. Et puis, sur ce toit-terrasse du XVe arrondissement de Paris, il y a vraiment trop de monde. Entre les étudiants du Cordon bleu, l’école de cuisine dont le potager suspendu héberge trois ruches, l’équipe de télé et les photographes et journalistes de deux médias nationaux, dont Les Jours, on sent que ça va mal finir. L’apiculteur Audric de Campeau a beau savoir vendre son image, il ne sait plus où donner des antennes. Tiens, pif ! C’est une étudiante en veste de cuisine qui s’est pris le premier dard sur le cuir chevelu. Et là, paf ! C’est au tour d’Audric de Campeau lui-même. Il faut dire qu’il travaille sans vareuse, en canotier muni d’une voilette. « C’est ça, le marketing, c’est raconter une histoire vraie : mon canotier, c’est mon uniforme, je porte la veste de ville, j’incarne le vieux Paris », nous expliquait-il par téléphone au volant de sa voiture, de retour de Suisse où il réside.
Il faut bien donner un peu de sa personne pour être une star dans son domaine. Même si le chien Filou, un beagle de 13 ans qui dispose de sa propre voilette, commence à en avoir gros sur la truffe de prendre la pose sur le toit d’une ruche devant un pot siglé « Le miel de Paris », le beau cliché de l’apiculteur urbain paye. Entre 9 et 16 euros les 125 grammes de miel très exactement, soit 72 à 128 euros le kilo. Un prix d’épicerie de luxe pour ce miel produit au-dessus du bitume parisien. Ça tombe bien, on le trouve chez Fauchon ou à la Grande épicerie du Bon Marché. Inutile de le chercher après Noël en revanche, c’est en rupture de stock. « Certains pensent que c’est une arnaque, mais l’apiculture urbaine est difficile, assure Audric de Campeau. Le temps passé dans les bouchons, dans les escaliers, ça se paye. Quand on veut en vivre, il faut bien vendre son miel. Et puis, c’est l’image de Paris. » Dix ans après sa naissance, sa petite entreprise compte trois salariés à plein temps et dégage un chiffre d’affaire de 250 000 euros. Elle a installé quelque 250 ruches sur une cinquantaine de sites, parmi lesquels les Invalides, les toits du musée d’Orsay, ceux de la place Vendôme, ceux de la Monnaie de Paris, etc.
Le buzziness est-il bon pour Maya ? À n’en pas douter, il y a, au détour des trottoirs des villes et en particulier de la capitale, de quoi se faire un festin de reine, même pour de simples ouvrières.