Ils sont forts, chez Amazon et Google. En les voyant comme ça en passant, coincées entre deux bouts d’émission à la télé, leurs récentes publicités chargées d’annoncer l’arrivée de leurs assistants vocaux en France nous donnent l’impression que ceux-ci vont devenir un nouveau membre de la famille. Qu’on leur parlera, qu’on les écoutera… Pendant ce temps-là, leurs services presse arrosent les journalistes de communiqués où l’on parle d’intelligence artificielle, de big data, de réseaux de neurones. Plein de termes qui sentent bon le futur. Remâché par la machine médiatique, le bouche à oreille et les réseaux sociaux, tout ça crée un halo futuriste qui nous promet une vie profonde et facilitée en compagnie d’Alexa et ses amies. En retour, lui confier la gestion de nos vies trop rapides nous éviterait de passer trop de temps devant nos écrans pour aller plutôt faire des crêpes avec le petit dernier. Alexa serait la bonne copine à qui l’on peut toujours se fier.
Dans la réalité, il n’en est rien. Le quotidien avec Alexa est fait de frustrations, car lui parler comme on s’adresse à n’importe qui ne fonctionne pas souvent. Lui demander tout bêtement de mettre France Info ne donnait rien au début. Il fallait lui dire de lancer « France Info sur Tune In »… Mais encore faut-il savoir que cette application est le réceptacle de toutes les radios en ligne… Quant aux trajets, elle est incapable de comprendre que je ne veux pas prendre une voiture pour aller à la gare Montparnasse, mais plutôt le métro.
Au fil des semaines, ma façon de parler à Alexa a donc changé. J’ai fait plus simple et j’ai adopté des formulations qui avaient déjà fait leurs preuves (qui sont d’ailleurs celles qu’Amazon comme Google nous apprennent sans en avoir l’air via leurs publicités). De même, je me suis mis à parler à mon assistante virtuelle comme à une vieille mamie : je parle fort, j’articule trop. J’ai aussi réduit mon vocabulaire et j’ai appris le petit timing qu’elle exige : dire « Alexa » pour la réveiller, m’assurer que la petite lumière bleue qui signale qu’elle écoute bien est apparue, puis formuler ma demande par une phrase courte et sans embûche.
Moustafa Zouinar, chercheur en ergonomie chez Orange Labs qui a signé il y a peu, avec sa collègue Julia Velkovska, une étude sur les usages réels de l’Assistant de Google à la maison, a constaté cette frustration chez beaucoup d’utilisateurs, comme il le racontait sur le site de la Cnil.