C’est le huitième vendredi de mobilisation à Alger et, après deux mois d’une contestation joyeuse et pacifique (lire l’épisode 1, « L’Algérie de se voir si belle »), il a pris un tour particulier : depuis quatre jours, la police réprime. Durement, violemment. Aux premières heures de la nouvelle manifestation de ce 12 avril, les forces de l’ordre ont filtré les accès à Alger et tenté d’empêcher les contestataires de gagner la Grande Poste où la foule se réunit désormais habituellement. Elles ont également fait usage de canons à eau place Maurice-Audin. Un signe.
Ce tournant sécuritaire s’est amorcé ce mardi. Comme chaque jour depuis plus de sept semaines, des étudiants affluent de plusieurs universités d’Alger pour rejoindre le centre-ville. Banderoles et slogans soigneusement étudiés, une nouvelle journée de manifestation s’annonce. Plusieurs dizaines de jeunes gens descendent des « cous », du nom des bus destinés au transport universitaire. Informatique, biologie, psychologie… Étudiants de différentes spécialités, ils sont tous là pour le même objectif : faire pression sur le gouvernement et mettre fin au système.
Mais ce jour n’est pas un mardi comme les autres : c’est la première manifestation étudiante dans une Algérie sans chef de l’État. Depuis la démission d’Abdelaziz Bouteflika, le 3 avril dernier (lire l’épisode 5, « Algérie, ta vieillesse fout le camp »), le pays est dans l’attente de la nomination d’un nouveau président par intérim et de l’organisation de nouvelles élections. Or justement, alors que les étudiants se dirigent vers la Grande Poste, un vote du Parlement doit se tenir dans la matinée… et sceller l’arrivée à la tête du gouvernement d’Abdelkader Bensalah, le président du Conseil de la nation, l’équivalent du Sénat français (lire l’épisode 6, « Algérie, semaine zéro »).
La mobilisation s’annonce sous haute tension alors que des rumeurs – un classique du paysage algérien – ont circulé toute la semaine autour d’une possible interdiction de manifester. Mais alors qu’aucune source sécuritaire ne confirmait le bruit, les étudiants découvrent que leur lieu de rencontre habituel est déjà cerné par des camions dans les rues adjacentes à la Grande Poste. En tenue complète, casques et gilets de protection, plusieurs dizaines de policiers encerclent les manifestants.
Mais cette présence policière beaucoup plus marquée que lors des dernières semaines ne douche pas l’enthousiasme des centaines de jeunes qui continuent à gagner le centre-ville.