Avec le pétrole de schiste, tout va très vite. Il y a un an, au Texas, c’était l’eldorado. Nouveaux forages, nouvelles techniques de fracturation hydraulique de la roche, remontée des cours, emplois à gogo et billets verts à foison. Le gisement d’Eagle Ford intéressait les investisseurs saoudiens ; le Bassin permien, dans l’ouest de l’État, produisait plus que le Koweït. Grâce au boom du schiste, les États-Unis devenaient même le premier producteur mondial de brut en 2018, d’après l’Agence américaine d’information sur l’énergie : plutôt réjouissant pour Trump.
Alors so long, angoissant pic pétrolier ? Pas sûr sûr, toussent quelques mois plus tard les journalistes spécialisés. Une tribune dans le New York Times a d’abord pointé un secteur en réalité fragile, vivant sous perfusion de Wall Street. Et en ce début d’année, c’est le Wall Street Journal qui a décoché ses flèches : les puits texans de pétrole de schiste donnent bien moins que ce que leurs proprios ont vendu aux investisseurs.
Pour autant, dans un premier temps, la production de l’État ne va pas décroître… au prix d’une fièvre de nouveaux forages. « Les pétroles non conventionnels, c’est une fuite en avant, pointe Yves Cochet. Ça n’empêchera pas le pic pétrolier en 2025 ». Ah, en passant, l’exploitation du pétrole de schiste provoque des fuites de méthane, un gaz à effet de serre environ vingt fois plus « réchauffant » que le CO2.
Vous souvenez-vous où vous étiez le 10 janvier, à 21 heures pile ? Il s’en est fallu de peu que vous le sachiez à coup sûr. Car à cette heure-là, « la fréquence du système électrique français et européen est passée très en-dessous de 50 Hz », a expliqué ce lundi la Commission de régulation de l’énergie. Or, continue l’autorité administrative indépendante, « quand la fréquence s’écarte trop de ce niveau, le système électrique [peut] connaître des coupures importantes, voire un “black-out” ». Bigre !
Heureusement, RTE, la filiale d’EDF qui gère le réseau public de transport d’électricité, a immédiatement demandé aux grands groupes industriels avec lesquels elle a passé un accord de réduire massivement leur consommation. Et personne n’a rien vu, personne n’a rien su pendant trois jours. Et à vrai dire, on n’est pas beaucoup plus avancés aujourd’hui : la cause de l’incident est toujours inconnue. Tout juste a-t-on appris que l’équilibre entre production et demande était assuré en France, que le problème était au niveau européen… et qu’une enquête était en cours.
Voilà qui fait penser à l’une des thèses de Pablo Servigne, coauteur de Comment tout peut s’effondrer : en cas de choc, notre monde hyperconnecté peut être fragilisé par un couac à l’autre bout de la planète… Voilà qui milite aussi et plutôt pour une production d’électricité à une échelle toujours plus locale.
En ce début d’année, les nuits sont chaudes, mais en cas de vague de froid, l’enjeu est de sécuriser l’approvisionnement : on compte donc sur nos grandes centrales. Celle à charbon de Cordemais (Loire-Atlantique) avait été condamnée à horizon 2022 par Emmanuel Macron, mais ce n’est plus si sûr : elle pourrait continuer à tourner avec un combustible affichant moins de 20 % de houille. Une bonne nouvelle pour l’emploi, moins pour les émissions de gaz à effet de serre.
Vous avez remarqué ? Plus on transpire, plus on transpire. Et l’Antarctique sue à grosses gouttes. Ce lundi, le Journal de l’Académie nationale des sciences des États-Unis a publié une étude flippante. Si, de 1979 à 1990, l’Antarctique a perdu 40 milliards de tonnes de masse glaciaire par an, de 2009 à 2017, ce sont 252 milliards de tonnes qui ont fondu chaque année, sous l’effet du changement climatique. Or, la fonte de la calotte glaciaire est déjà responsable d’une montée des eaux de 1,4 centimètre entre 1979 et 2017. Mais, selon l’un des auteurs de l’étude, cette hausse pourrait atteindre plusieurs mètres dans les prochains siècles.
Et si toute la glace du continent disparaissait ? Eh bien, nos océans grimperaient de 57 mètres. Oui, comme le premier étage de la tour Eiffel ou, bien sûr, comme le but de la tête le plus lointain jamais marqué au foot. Mais surtout, avec une telle montée des eaux, bye-bye Nantes, Dakar… ou le Danemark quasi entier, comme le montre cette carte follement « ludique ». Pendant ce temps, le 1er janvier, l’étendue de la banquise de l’Antarctique n’avait jamais été aussi réduite à cette date, d’après Météo France.
Heureusement, le pôle Nord va plutôt mieux, n’est-ce pas ? Eh bien, non : selon une étude parue en décembre, la fonte des glaces terrestres de l’Arctique est désormais responsable d’un millimètre de hausse du niveau des mers par an. Conséquences au nord comme au sud : le permafrost fond, libérant des gaz à effet de serre, qui réchauffent l’atmosphère… et font fondre les glaces.
Plus on transpire, plus on transpire.
Ça commence comme un thriller… et ça ne se termine pas mieux. Au début, il y a un silence inquiétant, celui qui a saisi Brad Lister dans la forêt tropicale humide d’El Yunque, à Porto Rico. En 1976 et 1977, le biologiste américain y avait mesuré le nombre d’insectes. Mais à son retour en 2011, 35 ans plus tard, plus un bruit. Et pour cause : les bestioles avaient disparu, a-t-il récemment raconté au Guardian. L’étude publiée il y a quelques semaines par le chercheur affiche une quantité d’arthropodes piégés divisée par 30 à 60. Le quotidien britannique évoque, lui, une disparition de 98 % des insectes au sol : un « véritable effondrement », selon Brad Lister.
Devant une telle hécatombe, les suspects habituels sont le Colonel Usage de pesticides, Madame Destruction d’habitat et le Professeur Changement climatique. Mais comme la forêt d’El Yunque est protégée, tous les regards se portent sur le troisième malfaiteur. Or, méga-surprise, depuis les années 1970, « le nombre de vagues de chaleur, avec des températures au-dessus de 29°C, a énormément augmenté », explique le biologiste.
Bien entendu, l’anéantissement des insectes a plutôt des conséquences dommageables : ainsi, leurs prédateurs habituels – lézards, grenouilles, oiseaux… – sont aujourd’hui en voie de disparition eux aussi.
Dans L’Heure de la sortie, deuxième long métrage de Sébastien Marnier, en salles depuis le 9 janvier, il n’y a pas de pandémie. Mais il y a des marées noires et des abattoirs. Il y a le changement climatique et une centrale nucléaire. Il y a de la pollution et des animaux perdus dans les rues. Bref, ce thriller postule au titre de film de propagande pour cette obsession sur l’effondrement de notre civilisation. (Ah oui, aussi, c’est le groupe Zombie Zombie qui signe la musique : COMME PAR HASARD).
Mais si le long métrage est une réussite, ce n’est pas parce qu’il coche des cases, c’est grâce à ses personnages d’adolescents. Six élèves de 3e d’un collège privé, forts en thème et fortes têtes, étranges et tranquillement désagréables, préparent un sale coup, leur prof de français remplaçant en est persuadé. Mais il navigue sans boussole entre parano et désir de protection.
Le temps est lourd, le soleil grésille, les peaux transpirent, il grêle trop fort, la catastrophe est inévitable. Les indices sont à la fois minces et évidents pour qui veut bien les voir. Quand un des ados traîne son air louche et morose dans un bar de nuit, ses profs tentent de danser, de sautiller, en pure perte. Face au cataclysme écologique qu’on leur laisse, les six sont trop lucides, refusent de jouer le(s) jeu(x) de leur âge, ignorent la légèreté. Les adultes, eux, sont trop occupés à prolonger l’existant.
« Que les choses continuent comme avant, voilà la catastrophe », écrivait en 1923 Walter Benjamin.
Bande-annonce :
À lundi (si on tient jusque-là).