En Colombie, le crime organisé a la soif de l’or. À tel point que l’extraction minière illégale est devenue un business… plus rentable que celui de la coca. C’est la conclusion d’un récent article du quotidien El Colombiano, qui fait suite à un rapport des autorités sur les sources de financement des Farc avant leur démobilisation, en 2017. Et le racket des mineurs illégaux en faisait évidemment partie.
Aujourd’hui, les mines clandestines d’or sont un fléau pour toute l’Amérique du Sud, et particulièrement pour l’Amazonie. En décembre, le Réseau amazonien d’information socio-environnementale géoréférencée (RAISG) a coproduit un travail d’envergure inédit… et sorti des chiffres plutôt accablants : 2 312 chantiers illégaux et 245 zones d’extraction repérés dans six pays (Venezuela, Brésil, Bolivie, Colombie, Équateur et Pérou). Sur la carte, cela donne ça :
Et en réalité, cela donne : « Le problème n’a jamais été aussi critique dans toute l’histoire », selon les mots d’Alicia Rolla, l’une des coordinatrices du RAISG. Car les conséquences de l’extraction de l’or sont multiples et dévastatrices : menaces sur les populations autochtones, pollution des fleuves au cyanure, cataclysme pour la biodiversité, déforestation… Comme tout est lié, comme toujours, l’abattage des arbres a un impact sur le changement climatique, les forêts étant indispensables pour absorber le CO2. Et ce ne sont pas les promesses de campagne du nouveau président brésilien Jair Bolsonaro – expropriation de communautés autochtones pour exploiter des terres, nouvelle autoroute à travers l’Amazonie… – qui vont rassurer.
Et en France (très concernée via l’orpaillage clandestin en Guyane) ? Oh, presque rien : l’ONU a simplement demandé début janvier à Paris de prendre en compte l’opposition des populations autochtones au projet – légal – de la « Montagne d’or », sur lequel Emmanuel Macron et le ministre François de Rugy ne semblent pas sur la même ligne.
Pour le moment, Starbucks peut encore respirer (et vendre au prix de l’or et sous un vernis cool de l’eau au goût de café). Mais, à l’avenir, rien de moins sûr. D’après une récente étude publiée dans la revue Science Advances, 75 des 124 espèces de café sauvage sont en péril à cause de la déforestation et du changement climatique, soit plus de 60 %.
Pas grave, cette extinction, me direz-vous, puisque la consommation mondiale – qui devrait doubler d’ici à 2050 – se divise entre deux espèces seulement : l’arabica (60 %) et le robusta (40 %). Ce à quoi, je vous répondrai ceci : « Plutôt que frimer avec des chiffres parfaitement exacts, sachez que les deux espèces stars sont elles-mêmes fragiles et que les gènes de leurs cousines sauvages leur sont indispensables pour développer des cafés résistants au dérèglement climatique et aux maladies » Et bim !
L’étude signale également que seulement la moitié environ des espèces sauvages de café sont conservées dans des banques de semences ; celle du Svalbard, en Norvège, n’en accueille pour le moment aucune.
Misère, si on ne peut même plus compter sur le Pentagone pour être lucide sur le changement climatique… Ne souriez pas : depuis le Quadrennial Defense Review de 2010 – une somme analysant les risques majeurs pour la sécurité du pays –, les militaires américains étaient connus pour ne pas sous-estimer le problème. Mais depuis l’arrivée à la Maison-Blanche d’un Trump plus climatosceptique que pépé Claude et tonton Laurent réunis (voici une compilation pour la bonne bouche), la clairvoyance se fait discrète…
Ainsi, quand l’ex-secrétaire à la Défense James Mattis a écrit au Congrès en janvier 2017 : « Le changement climatique a un impact sur la stabilité de régions du monde où nos troupes opèrent aujourd’hui »… Il ne s’en est pas vanté et personne ne l’a su avant que le site ProPublica ne le publie, en mars de la même année. Quand, un peu plus tôt, en décembre 2016, le Pentagone a planché sur un rapport analysant les risques courus par ses installations militaires, le brouillon citait l’expression « climate change » 23 fois… Mais en janvier 2018, dans la version finale du document, pfuit, 22 de ces mentions avaient disparu, selon les révélations du Washington Post.
Dernière preuve de cette soudaine frilosité de l’armée américaine, son tout frais rapport sur les « effets d’un climat changeant », qui n’est qu’un « condensé d’anecdotes », selon les mots de l’ancien officier de la Navy David Titley au magazine Mother Jones. Certes, l’étude liste bien une cinquantaine d’installations sensibles aux événements météo extrêmes, mais c’est un peu maigre… Les bases des Marines ont tout bonnement été oubliées, tout comme celle de l’US Air Force de Tyndall, en Floride, pourtant dévastée par l’ouragan Michael en octobre dernier. Et bien sûr, aucune action concrète n’est préconisée dans le document.
Voici une belle série noire, une jolie histoire d’effets en cascade comme cette obsession en raffole. En décembre dernier, des scientifiques lancent l’alerte sur Radio-Canada : la quantité de plancton au large de la province de Terre-Neuve-et-Labrador est en chute libre. Pierre Pepin, chercheur au ministère canadien des Pêches et des Océans, explique avoir mesuré « un déclin de quasiment 50 % de la biomasse de zooplancton ».
Embêtant car, avec son cousin le phytoplancton, il est le premier maillon de la chaîne alimentaire dans les océans. Qui dit moins de plancton dit donc potentielle disparition de ses prédateurs. Gênant aussi, car ces petits organismes luttent contre les gaz à effet de serre : ce sont des aspirateurs à carbone et de formidables poumons. Nous leur devons pas moins de la moitié de l’oxygène que nous respirons, explique Colomban de Vargas, chercheur au CNRS : dingo, non ? Pour le moment, Pierre Pepin refuse de s’avancer sur les causes de l’effondrement du stock au Canada, mystère…
Mais pour les pêcheurs de la zone, il n’y a pas d’énigme, les coupables sont connus : ce sont les navires sismiques, expliquent-ils dans un article très complet du site iPolitics. Selon eux, le poisson est aux abonnés absents dans les zones où opèrent ces bateaux, qui envoient des impulsions au fond des mers pour détecter de nouveaux gisements de gaz ou du pétrole… et éviter ainsi une pénurie de carburant. Et ils citent une étude australienne de 2017, qui montre que les tests sismiques peuvent détruire le plancton. Les pêcheurs ont donc demandé l’arrêt de ces techniques exploratoires, sans succès pour l’instant.
«Àquoi réagit la musique populaire aujourd’hui ? » Vous avez quatre heures… ou trente-six minutes si vous préférez écouter Why Hasn’t Everything Already Disappeared?, le huitième album de Deerhunter, tout juste sorti. Disons-le tout de suite, le groupe rock d’Atlanta, emmené par la grande gueule de Bradford Cox, n’a pas la réponse. Deerhunter n’est pas du genre à lâcher des grandes phrases, à déblatérer sur le glyphosate, les multinationales ou le capitalisme sauvage.
Why Hasn’t Everything Already Disappeared? est davantage une rêverie, une lente balade titubante et cynique dans les rues de notre monde qui refuse de s’inventer un futur. Un disque qui se regarde – et qui nous regarde – ne rien faire et s’émerveille que nous soyons encore là, alors que tout nous dit que cela va s’achever plus tôt que prévu.
“Winter is coming”, s’amuse la chanson What Happens to People?. « Rideau pour toutes ces vies passées à survivre pour ce dernier jour », ajoute Elemental. Dans les interstices qui nous restent, Bradford Cox nous appelle à « descendre de ce nuage et à mettre nos peurs de côté » (Death in Midsummer) pour profiter encore un peu des belles choses.
La musique, elle, est l’une des plus douces et directement pop que Deerhunter a produites, dans la lignée de son classique Halcyon Digest de 2010. Un rock langoureux sur fond de fanfare perdue dans la brume (marimba, orgue Farfisa, saxophone, clavier, bandes magnétiques flottantes). Tout ça ne fait pas un combat, mais peu de groupes expriment comme Deerhunter le sentiment d’abandon qui nous traverse aujourd’hui face à cette révolution écologique qui ne vient pas.
À lundi (si on tient jusque-là).