Une attaque de cyclones en Méditerranée ? S’il y a un météorologue amateur dans la salle, il doit s’étrangler en lisant cela. Car les cyclones, ordinairement, c’est sous les tropiques. Mais ici, nous parlerons des « medicanes », les « Mediterranean hurricanes » – les ouragans étant le terme consacré pour les cyclones de l’Atlantique nord et du Pacifique nord-est. Les « cyclones subtropicaux méditerranéens » se forment essentiellement au centre et dans l’est de la grande bleue, durent généralement moins d’une journée et on n’en compte qu’un ou deux par an. Le dernier en date ? Fin septembre 2018 : après une naissance dans la mer Ionienne, Zorba a traversé le Péloponnèse, en Grèce.
Vous voyez venir la question qui tue ? Avec le changement climatique, ce sera pire ? Plutôt oui, évidemment… mais d’abord non, répond une récente étude, menée par le chercheur de l’Institut de sciences environnementales de l’université de Castille-La Manche Juan Jesús González. « Le changement climatique transforme la Méditerranée en un terrain plus propice au développement d’ouragans », explique-t-il au quotidien espagnol El País. Mais, d’après ses travaux, les « medicanes » devraient être moins nombreux – jusqu’à 34 %.
Pour le reste, les nuages s’amoncèlent : les cyclones subtropicaux méditerranéens seront plus longs, plus violents, avec des vents continus de 125 km/h et des bourrasques encore plus fortes. Si on ajoute que les « medicanes » sont connus pour suivre des routes moins rectilignes que leurs cousins tropicaux, la probabilité que les dégâts soient plus lourds sur les côtes est grande. Accrochez-vous !
Dans le grand marathon – ou est-ce un sprint ? – de l’effondrement, les glaciers semblaient devoir s’échapper inexorablement, comme le racontaient nos épisodes 8 et 25. Mais voici que remonte un sérieux concurrent : l’extinction des insectes, déjà évoquée dans l’épisode 9. Ce lundi, The Guardian publiait un très long article – et très complet – sur la question, s’appuyant sur une étude publiée le 31 janvier dans la revue Biological Conservation. Mais contrairement à celle publiée fin 2017 sur la situation en Allemagne et à d’autres, celle-ci fait la synthèse de 73 travaux scientifiques à travers le monde.
Ne nous mentons pas, ça sent plutôt pas bon. Les chercheurs Francisco Sánchez-Bayo, de l’université de Sydney, et Kris Wyckhuys, de l’Académie des sciences agricoles de Pékin, leur donnent une espérance de vie d’un siècle, pas plus. Aujourd’hui, leur taux de mortalité est plus rapide que celui des mammifères, des oiseaux ou des reptiles… de huit fois ! Au total, ce sont plus de 40 % des espèces qui déclinent et un tiers qui sont sous la menace d’une disparition à plus ou moins long terme. Les causes ? D’abord l’agriculture intensive (et particulièrement l’usage – lui aussi intensif – des pesticides), l’urbanisation… et notre vieil ami le changement climatique. Ou quand un effondrement en provoque un autre : cette course est décidément étrange.
La récente faillite de la Pacific Gas & Electric Company, c’est un mélange d’effets en cascade et d’éternel retour. Rembobinons d’abord… jusqu’à 1993. C’est à cette date que le géant du gaz naturel et de l’électricité en Californie dédommage à hauteur de 333 millions de dollars des habitants d’Hinkley, dans une sordide affaire d’eaux potables polluées au chrome hexavalent. Ça vous dit quelque chose ? Plutôt normal, c’est l’histoire – vraie – qui a inspiré le film Erin Brockovich, seule contre tous, avec Julia Roberts.
En 2001, l’entreprise se place une première fois sous la protection de la loi sur les faillites, à la suite de la déréglementation du secteur énergétique en Californie. En 2004, elle renaît de ses cendres… mais continue à justifier sa réputation de bad guy : les tribunaux la condamnent en 2010 après une explosion de gaz à San Francisco.
Dernièrement, ce sont les accusations de négligences qui ont augmenté… au rythme des incendies qui ont ravagé la Californie. Explication : le climat californien change, les événements météo extrêmes sont en plein boom, les pluies en recul, la végétation disparaît… et l’entretien du réseau devient de plus en plus complexe et coûteux. Conséquence : la Pacific Gas & Electric Company est pointée du doigt dans 17 feux survenus en 2017. Et particulièrement dans celui de novembre dernier qui a ravagé le comté de Butte, détruit la ville de Paradise et tué 85 personnes.
L’entreprise a reconnu un problème quelques minutes avant le début de l’incendie et doit aujourd’hui faire face à des dédommagements qu’elle a estimé à 30 milliards de dollars. Impossible pour elle, d’où la décision, en janvier, de se mettre sous la protection de la loi sur les faillites pour la seconde fois. Mais ce n’est qu’un sursis avant une possible disparition du géant, qui emploie environ 20 000 personnes, ce qui serait une déflagration de type Lehman Brothers. Évidemment, Erin Brockovich est remontée contre l’entreprise… et au créneau.
La Colombie dispose de 5 % de l’eau de la planète… et ses habitants ont soif. Et on ne parle pas là d’habitants de hameaux perdus au fond d’une région aride, mais, par exemple, du municipio de Turbaco, 73 000 habitants, à 20 km de Carthagène, la sixième ville du pays. C’est ce que raconte – très bien – un reportage de Semana Rural, projet journalistique porté par l’hebdomadaire colombien Semana. À Turbaco, l’eau sort du robinet seulement tous les quinze ou vingt jours. Dans le pays, ce sont 24 des 32 départements qui souffrent de problèmes d’approvisionnement, d’après l’Étude nationale de l’eau 2018.
En cause bien sûr, le conflit armé entre l’État, les guérillas et les paramilitaires qui a meurtri – et meurtrit encore – la Colombie, et ce depuis le milieu des années 1960. Les rivières et les fleuves ont été contaminés par les divers trafics – dont l’extraction minière illégale –, leurs rives ont été déforestées et désertées par les populations locales… Une situation telle que le río Magdalena pourrait être prochainement reconnu comme « victime du conflit ». Pour expliquer la gorge sèche des Colombiens, les infrastructures sont également montrées du doigt : aqueducs insuffisants et obsolètes, manque de réservoirs et de systèmes de stockage, etc.
Mais derrière ces problèmes historiques et structurels se cache le chico malo : le changement climatique. Car celui-ci a plutôt tendance à intensifier les épisodes d’El Niño. Ce phénomène océanique limite les précipitations, provoque des sécheresses et réduit donc le stockage du carbone par les plantes… ce qui accentue, oui, oui, le changement climatique.
Curtis LaForche est-il malade ou trop lucide ? Pendant toute la durée de Take Shelter, le spectateur se pose la question… et lui aussi. En attendant de trancher, il passe à l’action et agrandit son abri antitempête pour protéger sa famille, en bon père de famille, en bon ouvrier américain. C’est que Curtis craint une tornade à nulle autre pareille, se réveille transpirant de cauchemars intenses, multiplie les hallucinations.
« J’ai peur que quelque chose arrive, quelque chose de mauvais », explique-t-il. Et pourtant tout va bien, mais tout est sur le fil, si fragile : sa fille née sourde en attente d’une opération, la crise économique comme une épée de Damoclès… Femme, enfant, maison, travail, il a tout… Il peut donc tout perdre. Ça vous rappelle quelque chose ? La superbe ambiguïté du deuxième long métrage de Jeff Nichols, sorti en 2012, est là : un propos universel caché dans le trouble d’une chronique familiale.
Pour Curtis, la crainte de l’effondrement se transforme en angoisse puis en terreur face à l’altérité : le ciel est menaçant, le climat change, les oiseaux l’attaquent. Il met même à distance son chien, l’enferme derrière un grillage dérisoire… La « nature » est tantôt violente tantôt attaquée, mais elle sans intentions, elle est, c’est tout. Pour le héros de Take Shelter, il est déjà trop tard : « La crainte clinique de l’effondrement est la crainte d’un effondrement qui a déjà été éprouvé », écrivait en 1971 Donald Winnicott.
À lundi (si on tient jusque-là).