Un champignon qui tue 90 espèces de grenouilles dans le monde, jusqu’à l’extinction ? Pfffffff, c’est nul, les poissons d’avril dans la presse ! Honte à vous, Les Jours, de vous prêter à ce genre de fake news même pas drôles. C’est vrai, ce n’est pas drôle… Ce n’est pas drôle, c’est vrai : Batrachochytrium dendrobatidis est un tueur en série – et de masse – connu depuis plusieurs décennies.
Dans le remarquable et remarqué La Sixième Extinction, la journaliste américaine Elizabeth Kolbert lui consacre d’ailleurs son premier chapitre… ou plutôt à une de ses victimes, la grenouille dorée du Panama, désormais disparue à l’état sauvage – quelques spécimens subsistent dans un centre de sauvegarde, mais sans espoir de retour auprès de leurs rivières d’origine.
Selon une nouvelle étude parue dans le magazine Science et repérée par The Atlantic, il s’avère que Batrachochytrium dendrobatidis est encore plus destructeur que ce que l’on imaginait. Responsable de la chytridiomycose, une maladie qui nécrose la peau, celui que l’on surnomme « Bd » a entraîné la perte de 6,5 % des batraciens du globe. Entre 1965 et 2015, outre les 90 espèces d’amphibiens disparues, au moins 501 autres ont décliné de son fait, essentiellement en Amérique centrale, en Amérique du Sud et en Australie. En un mot, c’est une pandémie.
Aujourd’hui, certaines espèces auraient peut-être appris à cohabiter avec le champignon, mais la maladie ne recule pas et les scientifiques craignent désormais une possible installation dans des zones encore peu touchées, comme l’Asie. Un dernier non-poisson d’avril pour la route : ce carnage a été possible parfois sans que l’habitat des grenouilles ne soit altéré ; or, on l’a vu (lire l’épisode 58, « La libellule pullule, la libellule recule »), les rivières sont de plus en plus fragilisées.
«Toutes les heures et demie, la Louisiane perd l’équivalent d’un terrain de football [américain]. » Oh non, pas ça, pas aujourd’hui, pas maintenant, pas après tout ce que tu as fait, Elizabeth… Dans son dernier article pour le New Yorker daté du 1er avril, la journaliste américaine Elizabeth Kolbert (oui, encore), use de la pénible comparaison made in Capital période Emmanuel Chain du terrain de foot. Alors qu’elle a une bien meilleure formule pour évoquer la disparition de la côte depuis les années 1920 : « Si le Delaware ou le Rhode Island avait perdu la même surface, les États-Unis n’auraient plus que 49 États. »
Mais c’est là le seul impair de ce très très long article, qui voyage dans toute la Louisiane et embrasse l’histoire du Mississippi de l’époque des Phéniciens à nos jours, en passant par la colonisation française ou l’ouragan Katrina en 2005. Or, depuis des millions d’années, ce grand fleuve turbide cherche à atteindre le golfe du Mexique au plus vite, changeant son cours, creusant de nouvelles voies, créant de nouveaux bras, charriant des tonnes de sédiments. Ces mouvements brutaux, les colons du XVIIe siècle et leurs successeurs les ont peu à peu domptés, à grands coups de digues et de techniques plutôt élaborées… jusqu’à l’inondation suivante.