« Le curé prend le terminal de carte bleue : “J’ai besoin de 450 000 euros” »
Denier du culte agressif, séminaire coûteux, création d’un fonds d’investissement… Les Saint-Martin entretiendraient-ils un rapport malsain à l’argent ?
Le centre Jean XXIII de Meyzieu, ancienne banlieue ouvrière de Lyon, évoque de l’extérieur ces églises évangéliques qui foisonnent dans les périphéries urbaines des États-Unis : une grande banderole annonçant « Jésus est ressuscité » sur les grilles et, derrière, un vaste bâtiment en béton, sans âme. L’endroit recèle en réalité une église catholique, un patronage avec une cantine pour les enfants, un parking, ainsi qu’une vaste pelouse qui accueille de temps en temps des scouts de passage. Bientôt, le centre devrait voir s’ériger une nouvelle église – le curé n’aime pas beaucoup l’actuelle, trop ancienne et trop peu visible.
Pour rénover et agrandir le lieu, le prêtre a pu compter sur les largesses d’un donateur local, issu d’une famille d’agriculteurs, mais aussi sur la générosité des paroissiens, quelque peu encouragée. Depuis que la paroisse a été confiée en 2012, par le célèbre cardinal Philippe Barbarin, à la communauté Saint-Martin, les familles aisées de la communauté de l’Emmanuel – fer de lance du Renouveau charismatique, mouvement inspiré des évangéliques américains –, qui avaient déserté, trouvant l’ancien curé trop à gauche, sont revenues, rassurées par l’orthodoxie liturgique des prêtres en soutane (lire l’épisode 1, « Les Saint-Martin à la conquête du Mont »). Tout comme Gérard Andrieux. Cet ancien conseiller municipal de Meyzieu, encarté au Parti chrétien-démocrate de Christine Boutin, s’est présenté en 2020 comme tête de liste aux municipales dans la commune voisine de Pusignan… sous les couleurs du Rassemblement national. «Pendant la campagne, il venait faire sa propagande, se souvient Thérèse, paroissienne de longue date. Le curé lui disait: “Je prie pour votre élection.” »
Don Antoine a dit : “C’est facile, si on compte Meyzieu et les autres communes, il y a 450 paroissiens, il suffit que chacun donne 1 000 euros.”
La laïque n’a fait qu’avaler des couleuvres depuis l’arrivée de la communauté Saint-Martin aux rênes de la paroisse qui regroupe Meyzieu, Jons, Jonage et Pusignan – son curé, Don Antoine Drouineau, a décliné notre demande d’interview. Parmi les dérives qu’elle dénonce avec d’autres, un rapport malsain à l’argent. Elle se rappelle ainsi un soir de Noël. «Avant de dire la communion, sur l’autel, il prend le terminal de carte bleue et nous le montre en disant: “J’ai besoin de 450 000 euros !” » Objectif : récolter les fonds suffisants pour rénover le centre Jean XXIII et y installer une cloche plus grande.