Vendredi 26 mai, dans sa correspondance au journal Le Sémaphore de Marseille, Émile Zola écrit : « Les derniers soldats de la Commune râlent dans un coin de Paris. » Ce « coin » est sous le feu des canons de Montmartre occupée sans coup férir par l’armée de Versailles, il s’étage sur les deux collines qui dominent l’est de Paris, les Buttes-Chaumont et le Père-Lachaise, le dernier refuge des fédérés. Zola encore, pour le même follicule : « Que l’œuvre de purification s’accomplisse ! » Purificatoire, le chlore versé sur les cadavres décomposés des fusillés, de ceux empilés en tas d’ordures monstrueux sous les ponts. Purificatoire, la chaux vive lancée à pelletées sur les charniers des fosses tombales. Purificatoires et bénies vos plumes, folliculaires qui hurlent de joie à la curée chaude. Vous vous emboîtez le pas pour répandre vos turpides tromperies des morts forcément abjectes et lâches de ceux qui furent les misérables chefs de l’émeute, Lefrançais, Jourde, Vallès… tous pris et fusillés. Et de quelle façon, les simagrées de Vallès surtout. Il crie, supplie, pleure, veut empoigner à la gorge l’officier qui le tient, d’une tournée de crosse un soldat lui brise les reins, le pécore couché dans la boue se tord encore, on le fusille à bout portant, on le larde de coups de baïonnette, il bouge, l’officier lui éclate la cervelle d’un tir de revolver. Hallali ! À l’heure où les journaux de Versailles se gobergent de sang et de cervelle, ces morts-là ressuscitent sur les barricades.
Prise dans la souricière, la Commune agonise dans son coin du XXe arrondissement. M. Zola nous alerte : une autre armée de gredins, les plus débiles de cette grande folie, les enfants, les femmes et les vieillards armés de fioles à pétrole « accomplissent avec méthode un plan d’incendie général arrêté longtemps à l’avance ». Cependant les nouvelles sont rassurantes, l’autre plan, le grand, le formidable, celui d’Adolphe Thiers, l’écrasement de cette Commune détestable, s’accomplit sans valse-hésitation, chose affreuse, dans une effusion du sang, méthodique nécessité.

Ce même vendredi 26 mai, les nouvelles autorités de police communiquent à la presse un rapport dont Les Jours ont eu copie : « Au Luxembourg est établi un quartier général ; les fédérés trouvés les armes à la main y sont amenés et fusillés. […] À l’École militaire, une compagnie de soldats est chargée des exécutions qui ont été très nombreuses ; on assure que ce matin, neuf cents insurgés ont été fusillés. Ce soir, à une heure, la situation des fédérés était critique ; ils se trouveraient, aux dires d’officiers et de sous-officiers d’artillerie, bloqués dans le Père-Lachaise et dans les environs. Ils n’auraient plus que deux batteries d’artillerie à cet endroit avec lesquelles ils envoyaient des bombes incendiaires sur Paris. Sommés de se rendre, ils n’auraient pas voulu le faire. » Un autre rapport, cette fois de la police municipale, service des mœurs, surveillance de Paris : « En passant sur la berge du quai de la Conférence, puis de la place de la Concorde, nous avons vu les cadavres de quarante-sept artilleurs de la Garde nationale qui ont été fusillés par nos troupes. La population, qui paraît maintenant animée des meilleurs sentiments, acclame nos soldats et demande impérieusement que l’autorité agisse avec la dernière rigueur à l’égard des insurgés. »