Que se passe-t-il d’ordinaire au lendemain d’une élection présidentielle ? Chacun soigne sa gueule de bois, on range les cotillons du côté du gagnant, on ravale son dépit du côté du perdant, et on attend sagement le nouveau Premier ministre. Mais à l’image de cette campagne 2022 toute bizarre, c’est une espèce de tripode chelou qui a jailli des urnes où l’on s’est moins exprimé pour que contre. Une grosse tête d’abord : ça n’étonnera personne, celle d’Emmanuel Macron, sorti vainqueur de son second duel avec Marine Le Pen. Celle de la cheffe du Rassemblement national ensuite, qui peut se targuer d’avoir amené l’extrême droite à un niveau jamais atteint en France. Et enfin celle de Jean-Luc Mélenchon, désormais seul opposant de gauche, tant les autres ont été vaporisés au premier tour. À ce paysage politique en trois tiers qui vont batailler pour les législatives des 12 et 19 juin prochains s’ajoute un quatrième, sacrément coriace : l’abstention, qui a séduit plus de citoyens encore que le vote Le Pen.
Au lendemain de sa victoire, le camp d’Emmanuel Macron en reste encore au stade des bonnes intentions. Dans un discours qui se voulait « sobre », selon son équipe de campagne, et particulièrement court pour un Président affectionnant les allocutions fleuves, celui qui rempile pour cinq ans a promis de gouverner autrement, sans entrer dans le moindre détail. Emmanuel Macron a annoncé une « ère nouvelle » et une « méthode refondée » pour son quinquennat à venir. Au pied de la tour Eiffel, dans son discours post-victoire, il a déclaré : « Je sais que nombre de compatriotes ont voté pour moi non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. […] Ce vote m’oblige pour les années à venir. » « La colère et les désaccords doivent aussi trouver une réponse », a-t-il encore ajouté, en référence aux 13,3 millions de Français ayant voté pour son adversaire du second tour, Marine Le Pen, un record de voix pour l’extrême droite.
La réforme des retraites, ressortie des cartons avant le premier tour par le Président-candidat, fait déjà figure de symbole pour le début du nouveau quinquennat. Emmanuel Macron a promis de porter l’âge légal de départ à 65 ans, avant d’ouvrir la porte à des discussions dans l’entre-deux-tours. Gabriel Attal, l’actuel porte-parole du gouvernement, a lui aussi promis,