Donald Trump a nommé une juge ultraconservatrice à la Cour suprême : menace en vue sur l’avortement et le résultat de l’élection présidentielle.
Épisode n° 22
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TexteCorentin SellinPhotoSamuel Corum/The New York Times/Redux/Réa
S’il n’avait craint la malédiction désormais afférente à cette formule présidentielle aux États-Unis, Donald Trump aurait pu, en annonçant la nomination de la très conservatrice Amy Coney Barrett à la Cour suprême, reprendre le « Mission Accomplished » de George W. Bush décrétant bien précocement, le 1er mai 2003, la fin de la guerre en Irak. Car le président des États-Unis, en désignant son troisième juge à la Cour suprême en un mandat à peine – du jamais vu depuis Nixon –, a bel et bien rempli la mission principale qu’il s’était attribuée en 2016 auprès de ses électeurs conservateurs et blancs évangéliques ou catholiques.
Lors de sa victoire surprise des primaires républicaines en mars 2016, le milliardaire new-yorkais avait en effet offert un véritable pacte politique sur la Cour suprême aux élus et donateurs conservateurs traditionnels, peu rassurés par sa personnalité fantasque et à la moralité chrétienne pas évidente. À cette date, les États-Unis traversaient une crise institutionnelle majeure à l’occasion de la mort du juge conservateur Antonin Scalia, champion de l’originalisme juridique – à savoir l’interprétation littérale de la Constitution telle qu’elle avait été rédigée entre 1787 et 1791 visant à disqualifier les jurisprudences progressistes. Le président Barack Obama, conformément à ses prérogatives constitutionnelles, nomma en mars 2016 le juge progressiste modéré Merrick Garland pour succéder au défunt Scalia. Ce remplacement potentiel du plus conservateur des juges de la Cour suprême par un libéral aurait pour conséquence d’inverser la majorité des juges à la Maison-Blanche, de cinq conservateurs pour quatre progressistes depuis 1992.
Face à cette perspective de perdre la majorité à la Cour suprême, les conservateurs du Sénat menés par Mitch McConnell prirent alors une décision inédite dans l’histoire de la République. Prétextant l’année d’élection présidentielle en cours, et se réfugiant d’ailleurs derrière un discours prononcé par le démocrate Joe Biden en juin 1992 qui semblait défendre cette idée, la majorité républicaine du Sénat refusa d’auditionner le juge Garland et de voter sur sa nomination pour la confirmer, comme le veut la Constitution. McConnell et les républicains du comité judiciaire du Sénat, qui vote en premier une recommandation sur les juges nommés à la Cour suprême, affirmaient que c’était au peuple, lors de la présidentielle, de trancher pour savoir à qui reviendrait de remplir le siège vacant à la Cour suprême.