
Weyes Blood, And In The Darkness, Hearts Aglow (Sub Pop, 2022)
Le cinquième album de Natalie Mering, 34 ans, alias Weyes Blood depuis une dizaine d’années, commence par un abandon : « Je suis assise dans cette fête / Et je me demande si quelqu’un me connaît vraiment / Voit réellement qui je suis / Oh, ça fait si longtemps que je ne me suis pas sentie comprise. » Voici enfin la suite de Titanic Rising, la grande symphonie pop de la Californienne parue en 2019, qui est aussi le deuxième volet d’une trilogie de la résilience aussi furieusement d’époque que sa musique se veut intergénérationnelle. Et comme pour son prédécesseur, le titre est patiemment choisi : And In The Darkness, Hearts Aglow. Soit quelque chose comme « Et dans les ténèbres, les cœurs brillent ». Tout un programme, après un Titanic Rising qui racontait par le menu une sensation de dépossession face à une époque en chute libre, prête à se fracasser contre l’iceberg du dérèglement climatique même si celui-ci est en vue depuis quarante ans déjà. Porté par des orchestrations organiques et la voix aussi vaste que décidée de Natalie Mering, cet album achevait la renaissance de la chanteuse en échappatoire soyeuse après des années de musique plus rugueuse au sein de divers groupes rock de Portland. C’était tant mieux pour tout le monde.
And In The Darkness, Hearts Aglow vient aujourd’hui affiner la formule autant que prolonger le propos moral et philosophique. Musicalement, ce nouvel album est la poursuite directe du travail effectué sur Titanic Rising pour mettre en son des mélodies qui n’auraient pas fait tache dans un disque de pop symphonique des années 1960, entre reminiscence folk façon Joni Mitchell et foisonnement sensoriel façon Harry Nilsson. Tout cela dans un grand format technicolor où la musique résonne en plusieurs dimensions et renvoie au travail de production de Phil Spector (lire l’épisode 28, « Tout ce que je veux pour Noël, c’est Mariah Carey (et Phil Spector) ») ou à la pop pastorale du trop méconnu Life Is A Stream de Chuck & Mary Perrin paru en 1971. Ça fait beaucoup de références vieilles de cinquante ans au moins, et pourtant, le propos de Weyes Blood prend toujours garde à ne pas verser dans une nostalgie imitative et limitée. C’est ainsi que son disque s’ouvre sur un piano électrique (