«Il y a trop de rentes de situation… » ; « Les ministres, une fois qu’ils sont partis, on les recase, c’est scandaleux » ; « Il ne faut pas oublier de mentionner la fraude aux allocations type CAF » ; « Heu, est-ce que ça, c’est la priorité des priorités ? »… Post-it en évidence, paperboards accrochés au mur, 126 personnes tirées au sort et installées à dix-huit tables phosphorent à haute voix sur les thèmes du grand débat (fiscalité, citoyenneté, environnement et organisation de l’État). Vendredi et samedi derniers, nous étions dans une salle du Grand Palais, à Paris, pour la conférence régionale citoyenne d’Île-de-France, l’un des derniers épisodes du grand débat. Après avoir dénoncé un processus biaisé et trop rapide (lire les épisodes 20 et 27), nous avons décidé d’aller voir de nos yeux si on pouvait en sauver quelque chose. A priori, les dix-huit conférences régionales – dont les dernières se déroulent ces vendredi et samedi – devaient être le couronnement du grand débat et sa partie la plus sérieuse. Les participants sont tirés au sort – permettant à des publics qui ne se manifestent pas spontanément d’être représentés –, ils sont encadrés par des spécialistes de ce type d’exercice et ils doivent s’appuyer sur toute la réflexion déjà engagée sur la plateforme internet et lors des réunions d’initiatives locales. « Nous comptons beaucoup là-dessus pour compenser l’absence de débat sur la plateforme internet », nous avait confié il y a quelques semaines Nadia Bellaoui, l’une des garants du grand débat.
Et alors ? On ne va pas faire durer le suspense plus longtemps : on n’a pas été convaincus. Si pendant 24 heures (du vendredi à 16 heures au lendemain à 17 heures), on a approché ce que pourrait être un véritable processus délibératif – les gens ont respecté les consignes, ont discuté sans se mettre sur la gueule et, pour la plupart, sont repartis ravis après avoir apporté collectivement leur contribution –, cette conférence citoyenne et toutes les autres ne permettront pas de rattraper toutes les erreurs du grand débat. Pire, elles devraient rendre encore plus compliquée l’expression d’une synthèse d’ensemble. Pourquoi donc ? Tout simplement parce qu’à l’encontre des promesses gouvernementales, cette conférence régionale est partie de zéro, sans prendre en compte ne serait-ce qu’un tout petit peu tout ce qui s’est dit jusqu’à présent dans les réunions locales ou sur la plateforme du grand débat.
Dès la première demi-journée de discussions, ce renoncement est explicité.