Envoyé spécial à Przemyśl (Pologne) et Lviv (Ukraine)
À 12 kilomètres de la frontière ukrainienne, la paisible ville polonaise de Przemyśl s’est muée en un espace de triage et d’accueil de réfugiés fuyant les escalades de la guerre. Les hommes ukrainiens en âge de combattre sont restés et ont interdiction de quitter le territoire ; leurs aînés, leurs femmes et leurs enfants ne cessent d’affluer en nombre croissant à la gare. En quelques jours, les quais sont devenus un épicentre des conséquences des ravages du conflit, où ceux qui y en réchappent croisent ceux qui partent prendre les armes volontairement.
Là, les réfugiés se mêlent aux bénévoles venus du monde entier et à des militaires polonais. Un recoin de la gare, plus austère que la partie principale d’architecture baroque, fait office de point d’arrivée et de départ. Un train s’arrête en provenance de Lviv, la grande ville de l’Ouest ukrainien, devenue une porte de sortie pour des milliers de civils qui fuient les combats dans la périphérie de Kyiv, de Kharkyv et des villes portuaires de la mer Noire. Des familles en sortent épuisées. Les wagons ne repartent pas vides : des volontaires étrangers et des émigrés ukrainiens qui ont décidé de rejoindre les forces de défense territoriales font le chemin inverse, tout comme quelques familles. Sur le trottoir, quelques parachutistes américains de la 82e division aéroportée déambulent. L’US Army a investi une base à Arłamów, à 35 km de Przemyśl, officiellement pour garantir la sécurité des millions de réfugiés qui sont arrivés en Pologne. Certains de ses soldats profitent d’une permission pour découvrir la ville, la plus ancienne du sud de la Pologne, ou vagabondent à la recherche de pizzas.
Sur le parvis, des militaires polonais croisent un groupe de jeunes hommes en treillis, sans paraître leur prêter attention. Ils sont six et affichent un nombre conséquent d’équipements modernes : gilets de protection balistique, porte-couteaux, tourniquets pour les premiers secours… Leurs tenues de camouflage marron et vertes en polaire contrastent avec celles de l’armée polonaise, décolorées par le temps. L’un d’eux arbore un drapeau français en écusson sur le bras gauche. La bande attend le train, bien décidée à rejoindre l’Ukraine, et chacun se protège du froid sous un cache-nez