La casquette de la discorde. Au 25e jour de grève, la lutte de la rédaction d’i-Télé contre l’empire Bolloré en est là : une affaire de casquette. Mais une casquette cruciale, au cœur de la crise, la double casquette qui coiffe le chef de Serge Nedjar, à la fois directeur général d’i-Télé et directeur de la rédaction. « Vous êtes un conflit d’intérêt à vous tout seul », lui a lancé un journaliste lors d’une récente assemblée générale. Il y a d’un côté Serge Nedjar bombardé à la tête d’i-Télé par un certain Vincent Bolloré, actionnaire majoritaire de Vivendi, la maison-mère de la chaîne info. Et il y a de l’autre côté Nedjar Serge bombardé à la tête de la rédaction d’i-Télé par un certain Vincent Bolloré, un poste où il doit précisément incarner l’indépendance de la chaîne info vis-à-vis de son actionnaire. On est d’accord, il y a comme un problème. C’est une des principales revendications des grévistes d’i-Télé et c’est aussi l’angle d’attaque choisi par le ministère de la Culture et de la communication pour faire rendre gorge à Bolloré – et casquette à Nedjar. C’est en des termes un peu plus châtiés mais très clairs que la ministre Audrey Azoulay l’a assuré ce jeudi aux salariés, lors d’un rendez-vous avec leurs représentants. Elle veut défendre l’indépendance de la rédaction, et ça passera par trois points : une charte éthique, un comité d’éthique et la séparation des casquettes de directeur et de directeur de la rédaction d’i-Télé. Et elle demande aux dirigeants de Canal+ de tenir leurs «engagements».
Car oui, alors que le mouvement est dans sa quatrième semaine, le gouvernement se bouge enfin sérieusement le popotin. Il y avait eu une première fusée éclairante, le 21 octobre, envoyée par Audrey Azoulay dénonçant dans Le Parisien la perspective bolloréenne d’une «trumpisation de l’information». Il y a eu l’invitation de la ministre du Travail Myriam El Khomri à une « médiation sociale ». Invitation honorée lundi dernier par les syndicats d’i-Télé tandis que la direction du groupe faisait la morte, ayant visiblement d’autres salariés à fouetter. Mais ça bouge : lundi prochain, Myriam El Khomri et Audrey Azoulay recevront la chefferie de Canal+ qui a trouvé une place dans son agenda. En conséquence, les salariés ont reconduit, à 82 %, ce jeudi la grève jusqu’à ce rendez-vous crucial pour le mouvement, le plus long de l’histoire de l’audiovisuel privé. D’ici là, ils vont continuer à batailler, virgule après virgule, sur un document de sortie de crise.