Il est 8 h 45 en ce matin d’avril et il y a déjà la queue. Une quarantaine de personnes patientent devant l’entrée de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) à Montreuil, dans la banlieue est de Paris. Un quart d’heure plus tard, elles s’installeront sur des fauteuils raides dans de vastes salles d’attente et regarderont, silencieuses, avocats, greffiers, magistrats circuler entre les 22 chambres. Quand viendra leur tour, elles seront appelées devant la Cour pour tenter de renverser la décision de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) qui leur a refusé le statut de réfugié (lire l’épisode 6, « “Il y a des gens qui craquent. Et ils ne font pas semblant de craquer” »).
En 2018, 58 671 recours ont été enregistrés, un nombre multiplié par 2,7 en dix ans (lire l’épisode 10, « “On a l’impression qu’on ne saura jamais vraiment la vérité” »). Face cette hausse drastique, l’État a mis la main à la poche : 102 emplois et 4 magistrats en plus en 2018, portant l’effectif de la Cour à 491 agents et 22 magistrats permanents. L’objectif est clairement affiché : juger plus de monde, plus vite. « La demande d’asile, ça coûte de l’argent. Donc juger plus vite, c’est faire des économies », expédie Sylvie, rapporteure à la Cour depuis plus de dix ans. Car, le temps de la procédure, un demandeur d’asile a droit, en principe, à un hébergement et à une allocation de 6,80 euros par jour (pour une personne seule). Une somme plutôt chiche. Mais multipliée par le nombre de personnes concernées a coûté plus de 420 millions d’euros à l’État en 2018.
L’an dernier, le délai moyen constaté, selon les chiffres du rapport d’activité de la Cour, était de huit mois et quatre jours pour les procédures classiques et de quatre mois et onze jours pour les procédures accélérées, un délai allongé de deux mois par rapport à l’année précédente, à cause notamment d’une grève qui a vu les rapporteurs descendre dans la rue vingt-huit jours durant en 2018 et qui a paralysé la Cour. Il y a quand même eu des progrès depuis 2009 et ces dossiers qui patientaient en moyenne quinze mois et neuf jours, souligne Isabelle Dely, présidente de l’une des cinq sections de la CNDA. Mais pas assez pour tenir les délais imposés par le gouvernement Valls en 2015 : cinq mois pour statuer dans le cas des procédures normales, cinq semaines pour les procédures accélérées. Cette cadence dictée par l’État, la juge Isabelle Dely la défend fermement :