Nous sommes, nous autres journalistes, des personnes très influençables. « Le nouveau monde » qu’incarnait notre jeune Président Soleil à son arrivée en 2017 nous a éblouis, alors on a écrit « nouveau monde » tout le temps. Du moins jusqu’à ce qu’on nous informe qu’un « acte II » succédait à ce « nouveau monde » ; les gilets jaunes étaient passés par là et lui avaient foutu le feu, au « nouveau monde » : il s’agissait donc de trouver un truc pour les balayer sous le tapis. Assez cohérents avec nous-mêmes, nous attendions depuis un logique « acte III ». Mais voilà, une pandémie mondiale plus tard, c’est un peu déceptif, « acte III ». D’ailleurs, en annonçant le confinement le 16 mars dernier, Emmanuel Macron nous servait une réplique digne d’un téléfilm catastrophe américain, genre Los Angeles : alerte au tsunami nucléaire : « Le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas le retour au jour d’avant. » Dans les réunions du conseiller com de l’Élysée, Joseph Zimet, avec la presse chargée de suivre Macron, il a tenté un « nouveau cap » mais la formule n’a pas pris. Un peu trop arrogant, ce cap, peut-être, un peu trop superhéros (le cap, la cape, vous l’avez ?). Et puis la directive a fini par tomber : désormais, on dit « le nouveau chemin ».
C’est bon, ça, « le nouveau chemin ». Outre que ça sent la noisette, le chemin, c’est humble, c’est petit, ça peut sinuer s’il le faut, ça vous évoque des Petits Poucets, on n’est pas surpris de s’y perdre, pas plus étonnés que ça si quelques loups en forme de plans sociaux croquent les trainards. La formule a été officialisée par Emmanuel Macron le dimanche 14 juin dernier, qui l’a servie trois fois de suite dans ce discours que tout le monde a déjà oublié (lire l’épisode 40, « Macron et le racisme, un truc de “off” »). Et le « nouveau chemin » était encore au cœur de l’interview accordée par Macron à plusieurs quotidiens régionaux ce vendredi : il s’agit de « dessiner un nouveau chemin autour de la reconstruction économique, sociale, environnementale et culturelle du pays ». On cheminera, a-t-il tenté de préciser, du côté de la santé, avec des décisions attendues rapidement sur le « Ségur de la santé », avec un chantier consacré au « grand âge » ainsi qu’à « l’accompagnement de notre jeunesse ». Restait maintenant à emprunter ce nouveau chemin avec un compagnon tout aussi nouveau puisque le précédent, Édouard Philippe, était aussi rincé que sa barbe.