Ce jeudi midi, le Parlement européen, réuni à Strasbourg, a décidé de ne pas valider la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Toutefois, le texte n’a pas été rejeté pour autant. Les eurodéputés ont simplement décidé de ne pas l’accepter dans sa forme actuelle et de le renvoyer à la session plénière de septembre. D’ici là, chaque camp va donc pouvoir continuer à mener un intense lobbying, déjà raconté ici (lire les épisodes 1 et 2 de la saison 2 de La fête du stream), pour tenter de l’amender dans son sens.
Initiée il y a plus de trois ans, cette réforme visait à l’origine à harmoniser les lois nationales sur le droit d’auteur, afin notamment de faciliter la circulation des contenus culturels en ligne. Mais elle s’est peu à peu transformée en bataille rangée sur l’encadrement des plateformes géantes du web, notamment YouTube et Facebook. C’est là que tout est devenu très compliqué, car s’est alors rejouée une confrontation vieille de quinze ans, née lors de la bataille contre le piratage d’œuvres musicales et cinématographiques sur les réseaux de peer-to-peer dans les années 2000.
À l’époque, la musique et le cinéma se sont mobilisés un peu partout – lors des lois dites « Dadvsi » puis « Hadopi » en France – pour pousser les législateurs à s’attaquer aux internautes qui faisaient circuler des œuvres protégées en dehors de tout cadre légal. Et bien souvent en l’absence d’une offre légale pertinente, qui n’est apparue qu’à la toute fin des années 2000 avec le streaming. Les maisons de disques et les sociétés de gestion collective des droits comme la Sacem ont alors formé le camp des « créateurs », qui défend les principes très nobles du droit d’auteur pour sauvegarder avant tout leur pouvoir de commercialiser des œuvres dans un monde fermé. Pour eux, il s’agissait avant tout de déplacer dans le nouveau monde dématérialisé les droits acquis dans le monde physique.
En face, le paysage était moins limpide. Car dans ces débats, les tenants d’un internet qui ne serait pas uniquement un outil du commerce se sont retrouvés acoquinés aux nouveaux géants de cet internet libéral – Google, Apple, Microsoft et Amazon. Ceux qui, justement, cherchent à faire du business avec le réseau et rien d’autre. Bizarre ? Oui. Mais explicable : chacun défendait pour des raisons bien différentes un internet ouvert, une libre circulation des contenus.
Pour les « libristes », qui se veulent les héritiers du web des débuts en 1995, le réseau des réseaux ne doit appartenir à personne.