Marcheuses chinoises de Belleville, jeunes Nigérianes du bois de Vincennes ou de la Goutte-d’Or, travestis sud-américains et prostituées roumaines du bois de Boulogne : la Mondaine des temps modernes affronte de nouveaux proxénètes internationaux portés sur la traite des êtres humains. Fermés les maisons closes et les bordels de Madame Claude (lire l’épisode 1, « Madame Claude passe à la caisse ») ou de la Rouquine (lire l’épisode 4, « La Rouquine, l’hôtel très particulier et l’ami Duduche »). Finis les hauts lieux de passes en studio des rues Saint-Denis et de Budapest. Les 54 policiers de la brigade de répression du proxénétisme (BRP) – 44 hommes et 10 femmes –, répartis en six groupes, pistent désormais les réseaux clandestins sur internet ou via téléphones portables. Ils sont assistés d’une batterie de traducteurs pour décrypter messages et conversations qui s’échangent et se tiennent parfois dans des dialectes rares. Car les deux tiers des prostitués hommes et femmes viennent d’autres pays : On peut avoir trente interprètes en même temps dans le service car on a beaucoup d’écoutes qui tournent
, explique Jean-Paul Mégret, chef de la BRP.
L’un des fléaux du moment, c’est l’exploitation de jeunes Nigérianes. Des gangs criminels les sélectionnent dans les secteurs pauvres de Benin City et de Lagos, puis les soumettent à une cérémonie d’envoûtement avec scarifications et sacrifices d’animaux. Ces filles se retrouvent ensuite sur des Zodiacs entre la Libye et l’Italie puis débarquent en France, surendettées. Car les « Mamas » ou les « Madam’s » – plus haut placées dans la hiérarchie du réseau – exigent de 30 000 à 50 000 euros pour le voyage et les frais. Enfermées dans des bouges du XVIIIe arrondissement de Paris ou du fin fond de la Seine-et-Marne, ou déposées dans le bois de Vincennes, les Nigérianes sont menacées ou frappées avec une barre de fer par les Mamas
en cas de rébellion. On les force à enchaîner les passes à 50 euros et les pipes à 20 euros, pour gagner chaque jour 1 000 euros et rembourser les têtes des réseaux. Le commissaire Mégret suspecte même certaines victimes d’accepter les relations sexuelles sans préservatif pour doubler le tarif
: On est dans le sordide absolu.
La plupart sont des mineures de 14-15 ans maquillées en majeures
car les proxénètes les trouvent plus dociles et peuvent les garder plus longtemps. Bien entendu, les passeports de ces esclaves du sexe
sont confisqués à l’arrivée par les mères maquerelles.