De Grenoble
«A voté. » C’est la voix grave de Jérémy qui donne le sésame lorsque ses camarades glissent leur petite enveloppe dans l’urne. Ce vendredi 28 septembre, la 1ère G4 choisit ses deux délégués de classe. La réforme du bac est au cœur des préoccupations, dans les discours des jeunes comme dans ceux des encadrants. Au lycée, les délégués sont les porte-parole des élèves auprès des profs et de l’administration, en particulier lors des conseils de classe trimestriels ; ils sont aussi des médiateurs pour les redoutés conseils de discipline. Leur désignation est une vieille tradition, tout particulièrement au lycée Emmanuel-Mounier de Grenoble : les premiers délégués y sont apparus dès 1966, devançant de trois ans leur généralisation au niveau national par le gouvernement d’Edgar Faure.
Oui, c’est une bonne question, vous pouvez totalement voter pour vous : pendant la présidentielle, on voit à la télé les hommes politiques se rendre aux urnes, je pense qu’ils votent pour eux.
Pour les ados, cette élection est un test de popularité à l’issue parfois cruelle. « Tu vois ceux que tu aimes bien et s’ils sont sérieux, c’est mieux », résume Lucas C. Encadré par les CPE, l’exercice constitue également une initiation à la citoyenneté. « Comment s’appelle le moment où on ouvre les enveloppes et on compte les bulletins ? », interroge Guillaume Leyral, l’un des deux CPE de Mounier. Un élève tente : « Le dépouillage ? » La bonne réponse est moins bestiale : le dépouillement. Guillaume Leyral poursuit le brief en répondant à une main levée : « Oui, c’est une bonne question, vous pouvez totalement voter pour vous : pendant la présidentielle, on voit à la télé les hommes politiques se rendre aux urnes, je pense qu’ils votent pour eux. »
Élancé, yeux clairs, Guillaume Leyral fait, à 48 ans, sa huitième rentrée à Mounier. Il a déjà expliqué l’année dernière aux élèves de la 1ère G4, alors éparpillés dans différentes secondes, qu’une majorité peut être relative ou absolue. La leçon ne semble pas avoir survécu à l’été. « Quand je vous poserai la question en terminale, ce serait bien que vous vous en souveniez, espère-t-il. Vous êtes dix-huit pour être élu au premier tour, il faut donc… ? Dix voix. Et au second tour, celui qui aura le plus de votes gagnera. En cas d’égalité, le plus jeune l’emporte. »
Sur un paperboard, une grille tracée avec soin va comptabiliser les suffrages. Le scrutin voit s’affronter quatre paires d’élèves (le titulaire et son suppléant) : Axelle et Florian, Lucas B. et Lise, Léna et Ludivine, Naïma et Maryam. Les élèves vont se succéder dans les isoloirs aux rideaux marron installés dans une salle de permanence baptisée «