Vendredi, 7 h 30, sur le quai du RER, devant la maison des examens, à Arcueil (Val-de-Marne). Victor Mendez est prêt. Et avec le porte-parole du mouvement, quelque 150 étudiants de Nanterre, de Tolbiac, de Paris-III et de Paris-VIII, un groupe de postiers, quelques cheminots, quatre mégaphones et une grande banderole. Un mois que l’université de Nanterre est bloquée, que les négociations entre professeurs, étudiants et présidence de l’université se tiennent tôt le matin ou tard le soir dans les salles de réunions du bâtiment B du campus, que le mouvement s’étire. Lundi dernier, l’AG étudiante a voté le blocage illimité des bâtiments. Mais ce début de mois de mai sonne le commencement des examens finaux. Alors, le président de l’université, Jean-François Balaudé, et son équipe ont décidé de les délocaliser : puisqu’ils ne peuvent pas se tenir à Nanterre, ils se tiendront ailleurs. Ce qui nous amène ce vendredi matin devant cette sinistre maison des examens d’Arcueil, dans la très proche banlieue sud de Paris.
La sélection, c’est dégueulasse, la sélection, c’est dé-gueu-lass-euh.
À 7 h 45, Victor donne le signal : on quitte la station de RER pour descendre les escaliers, passer dans les souterrains… et se retrouver nez à nez avec une trentaine de policiers et une autre centaine d’étudiants. Ce sont des deuxièmes années de droit qui ont leur examen d’histoire de droit privé ou d’histoire des institutions, et des premières années de Sciences-Po Paris qui viennent passer leurs examens ici, à Arcueil. Victor hurle dans le mégaphone : « La sélection, c’est dégueulasse, la sélection, c’est dé-gueu-lass-euh lalala lalala. » Et les autres répètent en chœur, tapant dans leurs mains. Ça n’a rien d’original, ça ressemble aux minimanifs dont il est à l’initiative depuis la rentrée sur le campus de Nanterre (lire l’épisode 28, « Le permanent de la révolution »). C’est le neuvième mois de notre série Les années fac et ces chants, ces banderoles, ces visages, on les connaît. Ce n’est jamais violent. Mais en une dizaine de minutes, tout se retourne : les étudiants se collent aux boucliers des forces de l’ordre pour forcer l’entrée dans le bâtiment et, cette fois-ci, ce ne sont pas les agents de sécurité de Nanterre qui les connaissent, et ont une forme de bienveillance. Les policiers dégainent les gazeuses. Un, deux, trois, quatre coups de grenade à gaz et la foule, bloqueurs et étudiants venus passer leurs examens, s’éloigne : ça pique la gorge, les yeux et ça fait tousser.