Deux mètres. C’est la distance – prudente, elle évite d’allonger des baffes – du pupitre de gauche au pupitre de droite, de celui de Benoît Hamon à celui de Manuel Valls ce mercredi soir pour le débat diffusé simultanément sur TF1, France 2 et France Inter. Deux mètres seulement mais c’est un fossé, c’est un gouffre. Que dit-on, c’est un gouffre ? C’est un béant abîme qui sépare les deux candidats sortis en tête du premier tour de la primaire dite « de gauche », dite « socialiste », dite « citoyenne », dite « de la Belle alliance populaire ». Ça s’appelle un choix politique.
Quant à croire que le perdant soutiendra le gagnant dimanche prochain ainsi que les règles de la primaire les y engagent, on se tient les côtes de rire. Pour autant qu’elle ait jamais existé, la « Belle alliance populaire », le terme tartignole inventé par le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis pour désigner le PS et ses satellites, n’a plus rien de beau, ni de populaire, ni même d’une alliance, c’est désormais certain. Ce n’est plus un débat qu’on nous promet ce soir, c’est une bagarre de rue.
Enfin ça, du moins, c’est la version de l’ancien Premier ministre. Depuis dimanche qu’il est arrivé en deuxième position, Manuel Valls a déclenché une vendetta contre Benoît Hamon. Hamon ? « La défaite assurée ». Hamon ? « Incrédible ». Hamon ? « Ambigu » sur la laïcité. Et puis il y a « l’entourage ». Celui qui parle au nom du candidat, tel Malek Boutih qui, dans 20 Minutes, voit Hamon « en résonance avec une frange islamo-gauchiste ». Ou celui qui murmure off à l’oreille des journaux. Ainsi, mardi dans Libération, un (ou une) « ministre » quirrittait sous couvert d’anonymat : « Hamon est le candidat des Frères musulmans. »
Déjà bien occupé à tenter de se débarrasser de cette image de « gauche utopiste » (en gros qui ne fait rien qu’à fumer des pétards légalisés achetés avec l’argent du revenu universel) contre la « gauche de gouvernement » de Manuel Valls, Benoît Hamon s’essaie au flegme. Mais ça pique un peu, tout de même. Mardi, sur RFI, il dénonce « le poison » distillé par son adversaire et le soir, son directeur de campagne Mathieu Hanotin écrit à Cambadélis pour lui demander d’« intervenir auprès de la direction de campagne de Manuel Valls afin que le débat retrouve sa sérénité ». Cambadélis s’est, en réponse, fendu d’une lettre où il présente « des mots d’apaisement » et souhaite à Hamon et Valls « un bon débat.» Bon débarras aurait été plus honnête.