La semaine avait mal commencé au Sénat. Dans les couloirs si feutrés de la Chambre haute, les propos du sénateur UDI Pierre Médevielle ont provoqué un inhabituel vent de polémique. Il faut dire que l’élu de la Haute-Garonne a sorti la comparaison qui tue dans l’édition du 12 mai de La Dépêche du Midi : « À la question “le glyphosate est-il cancérogène ?”, la réponse est non ! Il est moins cancérogène que la charcuterie ou la viande rouge, qui ne sont pas interdites. » L’argument, tout droit puisé dans les éléments de langage des fabricants de pesticides, a tourné en boucle à quelques jours de la remise d’un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Un document forcément sensible car le glyphosate, le principe actif du Roundup, le fameux désherbant de Monsanto, est soupçonné d’être à l’origine de lésions cancéreuses chez ses utilisateurs. Une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’a classé « cancérogène probable » en mars 2015. Et surtout, Monsanto a développé un lobbying particulièrement agressif pour défendre son produit commercialisé depuis le milieu des années 1970. L’ombre de son influence planant sur les parlementaires français, plusieurs membres de l’OPECST, auquel appartient aussi l’auteur des propos polémiques, se sont hâtés pour assurer que non, ledit rapport ne contenait aucun rapprochement entre le glyphosate et une tranche de jambon.
Il était temps que ce rapport soit dévoilé. Rendu public ce jeudi 16 mai, il ne se prononce pas sur la dangerosité ou non du glyphosate. Mais s’intéresse à « l’indépendance et à l’objectivité des agences chargées d’évaluer la dangerosité des substances mises sur le marché ». Une douzaine de pages sont consacrées au glyphosate. Le document pointe du doigt des différences de critères et de sources entre les agences qui évaluent les risques liés à l’herbicide. D’un côté, l’agence de l’OMS, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), a donc estimé, en mars 2015, que le glyphosate était « cancérogène probable ». De l’autre, l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) a conclu, huit mois plus tard, qu’il ne présentait probablement aucun risque cancérogène pour l’homme, ouvrant la voie à une nouvelle autorisation en Europe (lire l’épisode 5, « Là où le lobby pousse, le glyphosate repousse »).