Juriste de formation, ancien secrétaire général de France terre d’asile, Matthieu Tardis travaille sur les questions d’asile et d’immigration depuis une quinzaine d’années. En janvier dernier, il a publié pour l’Institut français des relations internationales (Ifri) une étude critiquant l’inflation législative française sur le sujet et appelant à « repenser » la relation entre politique d’immigration et démocratie parlementaire. Aujourd’hui codirecteur du cabinet d’expertise Synergies migrations, il analyse pour Les Jours les faiblesses du texte issu des débats au Sénat.
Que pensez-vous du parcours de la loi « immigration », qui a été discutée au Sénat ?
Son parcours a été très particulier. C’est un projet de loi qui a été annoncé en juin 2022, tout de suite après la réélection d’Emmanuel Macron puis qui a été alimenté au gré des faits divers, présenté en Conseil des ministres en février dernier, et en mars en commission des lois, au Sénat, avant de voir son calendrier repoussé. Le gouvernement a multiplié les prises de parole contradictoires et on s’est demandé s’il comptait vraiment aller au bout du processus législatif ou scinder la loi en plusieurs textes (lire l’épisode 1, « L’immigration met la Macronie en tension »). Enfin, comme c’est souvent le cas sur l’immigration, on est dans une loi d’affichage avec beaucoup de mesures qui relèvent en fait du pouvoir réglementaire et qui auraient pu être adoptées par circulaire ou décret. L’objectif, c’est de créer un débat, d’occuper les esprits, plus que de voir quels sont véritablement les enjeux en matière d’immigration.

Vous pensez que les questions d’immigration ne devraient pas relever du débat parlementaire ?
Le débat sur l’immigration est scruté par les médias. C’est un marqueur idéologique et électoral, mais, souvent, ce n’est pas très constructif. En tant que chercheur, mon rôle n’est pas de commenter les positions politiques ou partisanes mais de faire en sorte que le débat soit nourri par la réalité du phénomène migratoire. Or c’est tout le contraire qui s’est passé au Sénat (lire l’épisode 2, « La Macronie donne les pleins pouvoirs à la droite »), avec des élus qui ont adopté des mesures sans tenir compte des acquis de la recherche. C’est d’autant plus désolant que certains parlementaires connaissent bien le sujet. Je pense par exemple à François-Noël Buffet, un sénateur Les Républicains qui travaille depuis presque vingt ans sur les questions d’immigration et a rédigé en 2022 un