Le 17 novembre 2016, dans un amphithéâtre de Science-Po Aix, le journaliste Philippe Pujol anime une conférence intitulée « Médias et banlieues : la fabrique d’un lieu commun ». Ce grand spécialiste des quartiers nord, lauréat du prix Albert-Londres pour sa série d’articles « Quartiers shit » parue dans le journal La Marseillaise, est accompagné de Jérôme Berthaut, sociologue, auteur du livre La banlieue du 20 heures. On discute de Paris et de Marseille. De la représentation des quartiers sur le service public ou sur les chaînes d’information en continu. Et des journalistes qui aiment se définir comme « grands reporters », mais n’avaient jamais mis les pieds dans une cité avant les émeutes de 2005. Azir connaît tous ces clichés par cœur. Depuis le public, il engage un échange avec Philippe Pujol :
« Je viens des quartiers nord et je veux devenir journaliste. Il faudrait que les habitants des quartiers soient mieux représentés dans le métier. Est-ce que vous pensez que c’est possible ?
Tu viens de quel quartier, par curiosité ?
Des Lauriers.
Ah oui, tu viens vraiment des quartiers nord durs. »
On retrouve Azir cinq ans plus tard. Il a obtenu son magistère en droit, journalisme et communication à l’université d’Aix-Marseille. Il a aujourd’hui 28 ans. Il a fait un stage à La Marseillaise, ce même quotidien qui avait publié les chroniques de Philippe Pujol. Il travaille aujourd’hui dans l’Éducation nationale mais n’a pas perdu son objectif. Cet été, il était l’un des deux commentateurs officiels de la HCup, le tournoi de foot interquartiers marqué par l’assassinat de Younes (lire l’épisode 5, « À Marseille, Younes a été le premier à tomber »). Il participe aussi à l’animation de deux podcasts sur l’OM et les clubs de football amateurs de la ville. Il a quitté les Lauriers, mais pas les quartiers nord. Au milieu des doutes qui l’animent toujours, il a acquis une certitude : « Avant mes études, je pensais, comme beaucoup de jeunes, que les médias ne pouvaient véhiculer qu’une vision négative des choses. Je ne pense plus ça aujourd’hui, mais je suis sûr d’un truc : je n’écrirai jamais rien sur le trafic. »
Azir, comme les autres natifs des Lauriers rencontrés pour cet article, est lassé de voir sans cesse les mêmes poncifs dans les médias. Qu’on présente les quartiers comme des zones de non-droit, que chaque fait divers déclenche des torrents de commentaires haineux, racistes, sur les réseaux sociaux… Début septembre, la cité des Lauriers avait de nouveau attiré les caméras. Car c’est depuis l’école Bouge, située au pied de la barre, que le président Emmanuel Macron a fait sa rentrée scolaire (lire l’épisode 1, « À Marseille, trafics et morts en bandes organisées »). Alors oui, il y a encore du trafic de drogue aux Lauriers.