Il fait lourd dans la 14e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. L’atmosphère est épaissie par les brochettes de costauds assis en fond de salle et dont la coupe varie de très ras à très rasé. Ils sont venus en soutien de leurs six copains, les anciens de la brigade territoriale de contact (BTC) Quatre-Chemins qui comparaissent dans une affaire de violences policières révélée par Les Jours (lire l’épisode 1, « À Pantin, violences policières en bande organisée »). Certains sont tout d’uniformes vêtus et arborent un ostensible écusson « BTC 93 ». D’autres, en civil, encouragent chaleureusement les prévenus à chaque suspension d’audience. En face d’eux, des jeunes de Pantin, commune voisine de Bobigny, moins nombreux, se relaient dans la salle pour soutenir les quelques-uns qui portent leurs voix et accusent la BTC de les avoir gazés, frappés et terrorisés des années durant.
Dans cette ambiance étouffante, les mains crispées sur la barre, le gardien de la paix Raphaël I. nie tout ce qu’on lui reproche. C’est « grotesque », « impossible » ou « complètement faux ». Toute l’affaire résulterait d’un vaste complot des autres brigades de Pantin, de mèche avec les trafiquants des quartiers et destiné à les faire « tomber », lui et ses compères, pourtant si compétents : « On a fait les plus belles affaires de Pantin », répète-t-il sans jamais se remettre en question. « Au cours de l’enquête de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), vous avez appris des choses qui vous étaient reprochées et vous n’êtes pas d’accord, commence un magistrat assesseur. Mais est-ce que vous vous êtes quand même interrogé sur vos pratiques au quotidien ? » Raphaël I. n’hésite pas une seconde : « Oui, j’en ai tiré une réflexion. À chaque fois que je suis rentré chez moi après une vacation, j’ai toujours dormi sur mes deux oreilles. »
Ce binoclard au nez en trompette s’est reconverti dans l’informatique fin 2022. À ce titre, il a manqué le premier jour du procès parce « c’est compliqué » d’annoncer à son nouveau patron qu’on est convoqué devant la justice pour des violences volontaires. D’autant qu’il est celui sur lequel pèsent les plus lourdes charges, accusé d’avoir, entre autres, tabassé un gardien d’immeuble (vingt-et-un jours d’incapacité temporaire de travail), dégoupillé face à un piéton qui l’aurait insulté (sept jours d’ITT) et roué de coups un interpellé récalcitrant (dix jours d’ITT).