Il aura fallu attendre cinquante-neuf ans après la première agression sexuelle connue, vingt-huit après un dépôt de plainte et six après son exclusion des Focolari pour que la vérité crue soit enfin écrite : Jean-Michel M. « était un abuseur d’enfants prolifique et en série, responsable de multiples cas d’abus sexuels et de tentatives d’abus sexuels sur des enfants ». Le 30 mars, GCPS Consulting a remis au mouvement catholique son enquête sur celui qui fut l’un de ses membres les plus éminents en France. Le rapport de ce cabinet spécialisé (lire l’épisode 7, « La quête de vérité tardive des Focolari ») se fonde sur les récits de 26 hommes déclarant avoir subi des violences sexuelles de la part du laïc consacré alors qu’ils étaient enfants ou jeunes adultes, entre 1963 et 1998. À ces témoignages directs s’ajoutent 11 victimes « potentielles » identifiées par des « informations dignes de foi ». Soit 37 noms au total. Une conclusion cohérente avec l’estimation d’une trentaine de victimes que les Focolari avaient communiqué aux Jours en octobre 2020 (lire l’épisode 1, « Pédocriminalité dans un mouvement catholique : nos révélations »). Arrêter un décompte semble toutefois « une tâche impossible », prévient l’enquête, compte tenu de la longévité de Jean-Michel M. dans le mouvement (de 1961 à 2016), mais aussi de ses voyages et activités annexes. Certaines victimes sont aujourd’hui décédées.
Le rapport s’efforce de décomposer la mécanique de la prédation. Les victimes se ressemblent, les agressions aussi : « Les cibles semblent avoir été souvent des enfants issus de milieux modestes, vivant à la campagne ou dans des régions décentralisées, issus de familles nombreuses. » C’était le cas de Christophe Renaudin, dont le témoignage a été décisif. Leur « éducation sexuelle plutôt stricte » a pu contribuer à la honte et à la culpabilité qui ont nourri le silence. Une grande partie des agressions se sont produites au sein de la communauté où vivait Jean-Michel M., à Châtillon, dans les Hauts-de-Seine. En les invitant à Paris, en les emmenant au restaurant et au cinéma, l’agresseur offrait à ses victimes « des souvenirs exceptionnels ». « Consciemment ou non, [il] incitait ces adolescents à une sorte de compétition pour être l’enfant sélectionné, l’enfant préféré », afin d’asseoir son emprise. Celle-ci s’étendait jusqu’aux familles